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Expliquer mon métier, exister socialement
La vie sociale s’organise autour de rituels récurrents de présentation de soi à l’autre. La profession y joue un rôle central car elle permet de définir le sens de son activité quotidienne.
Métier et reconnaissance
Si un pan entier de la psychologie du travail, à savoir la psychodynamique du travail, définit la reconnaissance comme l’un des fondements de l’épanouissement des individus dans leur emploi, c’est qu’elle exerce un rôle structurant pour notre psychisme et permet de trouver un équilibre face aux souffrances engendrées par le travail.
Au niveau social, la reconnaissance peut également s’interpréter comme un partage de (re) connaissances communes aux membres de la communauté et qui permettent à chacun de se situer sur les différentes échelles sociales : niveau d’étude, niveau de responsabilité, catégorie socio-professionnelle, compétences, conditions de travail, niveau de rémunérations etc…
Réaliser une activité méconnue du grand public oblige donc systématiquement le salarié à présenter son métier, son secteur d’activité et son parcours. Concernant les activités pointues qui nécessitent un certain niveau d’étude, parler de sa profession contraint souvent le salarié à banaliser ses compétences ou encore à délaisser le vocabulaire technique en faveur de mots courants, autant d’éléments qui freinent la valorisation de l’estime de soi.
Les métiers cachés
Il existe un certain nombre de travails et de réalités professionnelles consciemment repoussés par la société. Il s’agit notamment des métiers liés à la mort et à l’ensemble des déchets expulsés par l’Homme, qu’il s’agisse des déchets organiques ou encore alimentaires. Parce qu’ils sont associés à ce qui est ‘sale’, ces professionnels sont sommés de cacher leur métier, sous peine de provoquer un rejet immédiat de ceux auxquels ils tenteraient de l’exposer.
Etudiés en profondeur par les psychologues du travail, ces ‘sales’ boulots ont à nouveau démontré toute l’importance de la place consentie par la société au champ professionnel. Chez les égoutiers de Paris, par exemple, la capacité à réaliser un travail ‘impensable’ pour le plus grand nombre, est devenue une fierté, un gage de virilité, de force et de courage, c'est-à-dire une manière de ‘prendre le dessus’ sur ceux qui les dénigrent et qui se trouvent ‘physiquement’ au-dessus d’eux lorsqu’ils travaillent (dans les égouts, en dessous de la société).
L’existence de tels phénomènes de revalorisation de soi vis-à-vis de la société, démontre toute l’importance de l’image véhiculée par une profession, laquelle, lorsqu’elle est négative, nécessite la mise en place de mécanismes compensatoires pour le bien-être du sujet.
La question de la promotion
Un certain nombre de professions dites supérieures, en référence au niveau d’étude exigée, tendent naturellement vers le secret, lequel est volontairement maintenu. Ce souhait de confidentialité évolue progressivement en règle de métier, permettant aux membres de la profession de se reconnaître en tant que tel. Dans ce cas, le secret est perçu comme un gage de supériorité de ces individus, seuls détenteurs d’un savoir précieux. Les compétences se transmettent alors entre initiés, entre membres de la communauté ou encore entre parents et enfant(s).
Pour autant, la méconnaissance de certaine profession par la population est un handicap pour leur développement et parfois même pour leur survie. Leur manque de visibilité entraîne en effet un taux d’orientation trop faible pour assurer le renouvellement des générations et donc la transmission des compétences entre les anciens et les jeunes. C’est ainsi que sont entreprises des campagnes d’informations ou plutôt de valorisation des métiers, qui mettent l’accent sur le sens du travail, sur des valeurs humanistes socialement valorisées ou encore sur le rôle au sein de la société : nous retrouvons donc encore une fois, la prédominance de la reconnaissance dans le travail.