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Le phénomène de mort subite au travail
En France, il existe très peu d’études sur les liens entre décès et travail. Pourtant, d’autres pays décrivent ce phénomène depuis de nombreuses années sous la forme d’études épidémiologiques et scientifiques.
Définition et présentation
Le Japon est l’un des pays qui aborde le plus la question de la mort au travail. Le karoshi définit le stress professionnel ultime, il se manifeste par un accident vasculaire cérébral ou un infarctus du myocarde massif entraînant la mort. Une étude datée de 1991(1) portant sur 203 victimes de karoshi (196 hommes et 7 femmes) fait état de 126 congestions cérébrales, 50 arrêts cardiaques, 27 infarctus du myocarde et 4 ruptures aortiques.
Sur ces victimes :
- 66 % travaillaient plus de 60 heures par semaine et réalisaient plus de 50 heures de travail supplémentaires par mois,
- Plus de 50% avaient prévu des vacances avant l’attaque,
- Une surcharge de travail accrue et brutale ainsi que des ennuis professionnels étaient intervenus dans les 24 heures précédents le décès.
En 1994, l’agence gouvernementale japonaise des prévisions économiques a estimé que la mort subite au travail représentait 5% des décès par maladie vasculaire ou accident vasculaire cérébral.
Des études américaines ont également démontré un lien statistiquement significatif entre risques psychosociaux et mortalité. Les recherches ont permis de mettre en avant 3 facteurs communs à l’ensemble des victimes :
- une instabilité électrique du myocarde,
- une vie quotidienne moralement douloureuse, sur fond dépressif, dans laquelle l’individu ne perçoit pas d’issue,
- un évènement à charge psychique forte précédent le décès (moins d’une heure avant dans 21% des cas).
Perception de la mortalité au travail en France
Si la question de la mort subite au travail n’est pas abordée, il est socialement reconnu que les taux de mortalité diffèrent selon les catégories socio-professionnelles : 1 ouvrier sur 5 n’atteint pas l’âge de la retraite. De même, les métiers à risque sont clairement identifiés. Ils sont occupés dans une très grande majorité par des hommes qui se disent conscients que leur travail consiste à risquer leur vie.
En France, ces métiers sont valorisés par la société car ils reposent sur la représentation du héros. Toutefois, la réalité du travail impose à ces individus de lutter contre la peur consciente de mourir, et engendre une culture de la virilité basée sur les valeurs de courage et de force, sur un comportement tournant en dérision tous les dangers, sur un déni permanent et total de toute souffrance morale et physique, et entraînant généralement des attitudes sexistes.
La dégradation des conditions de travail
La course à la rentabilité sur fond de crise économique et de taux de chômage record a considérablement modifié le monde du travail. Quel que soit le secteur d’activité, ces évolutions de la société ont entraîné :
- l’instauration d’une peur sociale de la perte d’emploi,
- l’intensification des rythmes de travail,
- l’application de la politique du chiffre par les directions,
- la quantification systématique du travail,
- la distanciation progressive entre le travail prescrit et le travail réel,
- la destruction des collectifs de travail.
Nul besoin, donc, d’exercer un métier à risque pour se trouver dans une situation potentiellement mortelle. Les souffrances au travail sont en effet en constante augmentation, les plaintes des salariés sont de plus en plus fortes, tout secteur confondu, entraînant de plus en plus de suicides au travail.
L’impact des nouvelles technologies
Téléphone portable, ordinateur, Internet, fax… désormais, nous sommes tous joignables partout et à toute heure. L’évolution des techniques informatiques a détruit la séparation naturelle qui se faisait entre temps de travail et temps personnel. L’absence du salarié dans l’entreprise n’est plus un frein à la réalisation des tâches.
L’arrêt du travail qui se faisait naturellement avec le départ de l’entreprise, est désormais un choix qui incombe au salarié puisqu’il a la possibilité de travailler à son domicile, dans le train, dans le bus… Entrent donc en jeu les ressorts de la culpabilité individuelle, professionnelle et sociale:
- « Il faut travailler dur pour réussir », « se plaindre, c’est être faible »…
- « L’entreprise a besoin de vous », «votre absence rajoute une charge de travail conséquente sur vos collègues"
- « Les français ne travaillent pas assez », « il faut s’estimer heureux d’avoir un travail »…
L’interdiction d’avoir du temps pour soi
Les évolutions de la société, la dégradation des conditions de travail ou encore le développement des nouvelles technologies aboutissent à la surcharge de l’individu, à son invasion par le travail : « Le temps, les rythmes, les objectifs à atteindre, les délais impartis, le flux tendu, l’accélération des mouvements peuvent devenir une statue du Commandeur intérieur, un surmoi corporel sans pitié. Ce rythme a préséance sur les rythmes des corps »(2).
La vie quotidienne devient une course, une lutte permanente contre le temps. Pour l'individu, l’obligation de choisir (entre son rôle de salarié, de mère ou de père, d’ami...) devient permanente et entraîne culpabilité, regret, sentiment d’incapacité et de faiblesse.Les surcharges physiques et psychiques étranglent véritablement l’individu qui s’interdit progressivement de prendre du temps pour lui, et nie ainsi toute notion de plaisir, oubliant ses propres besoins psychiques.
A terme, ce sont les besoins physiques élémentaires qui sont remis en cause, et qui peuvent entraîner la mort subite au travail.
(1) T. Uehata, Long working hours and occupational stress-related cardiovascular attacks among middle-aged workers in Japan , Hum Ergol, Tokyo Medline, 1991
(2) Sam-Ali, L’Espace, le corps et le temps, Dunod, 1990