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Cours de Psychologie
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3 - Construction de la réalité sociale et gestion de la réalité

  • La réalité sociale : de la notion d’attitude, d’opinion à la représentation sociale
  1. Attitudes et opinions
    1. Aspect théorique

Dans un champ largement dominé par le béhaviorisme, l’étude des attitudes fut l’un des sujets qui permit d’introduire la question de l’interprétation conduite par l’individu lors du traitement de l’information. Elle fut initiée par Thomas et Zhaniecki lors d’une étude sur le phénomène d’acculturation des immigrants polonais aux Etats-Unis et dans laquelle ils s’aperçurent qu’il était nécessaire de tenir compte des perceptions des individus sur la réalité.

Une attitude se définit comme un état mental, une prédisposition qui oriente les comportements des individus dans une certaine direction et qui a une influence directe sur la perception des stimuli.

  1. Définition des attitudes

Tout d’abord, les attitudes sont organisées en réseaux (démontré par Eagly et Chaiken, 95) relatifs à des objets sociaux semblables, elles s’insèrent donc dans une cohérence thématique. Il existe donc une relation d’emboîtement entre les attitudes, certaines sont générales et englobantes, d’autres sont plus spécifiques.

Les attitudes s’organisent également selon des relations de causalité et de covariation. La covariation se manifeste par le fait que certaines attitudes sont systématiquement co-présentes ou co-absentes. La causalité correspond au fait qu’une attitude constitue la cause d’une autre. Enfin, on trouve une relation de contiguité qui se manifeste par le fait que l’orientation d’une attitude dispose d’une incidence sur l’orientation d’une autre, par des phénomènes de propagation.

  1. Formation

Les attitudes se forment à partir de deux sources. La première est l’expérience directe dans laquelle le sujet est directement confronté à l’objet social, physiquement dans le cas d’un objet concret et/ou moralement dans le cas d’un objet abstrait.

Les attitudes peuvent également se former par inférence ou raisonnement : l’individu va combler son absence de confrontation avec tous les objets sociaux en opérant un raisonnement qui lui permettra, malgré tout, de se former une attitude vis-à-vis de ces objets sociaux. Dans ce cas, on parle également de transmission sociale car le raisonnement peut être inductif ou déductif.

  1. Caractéristiques

Une attitude se définit par rapport à son contenu, à son orientation et à son intensité.

  • Les attitudes sont hiérarchisées :

On considère la ‘place’ d’une attitude dans une hiérarchie afin de déterminer sa valeur et son intensité : plus sa place augmente, plus elle déterminera la valence des attitudes qui lui sont liées.

  • Elles se caractérisent par leur centralité

La centralité fait référence au degré d’importance attribué par le sujet à l’attitude. Plus une attitude est centrale, plus elle est liée aux valeurs et aux normes du sujet.

  • La stabilité

Les attitudes peuvent évoluer. Cependant, plus une attitude est générale et centrale, plus elle occupera une place importante dans la hiérarchisation des attitudes, plus elle déterminera d’autres attitudes, et moins elle sera en mesure d’évoluer.

  • La consistance ou cohérence

L’ensemble des attitudes d’un même sujet est cohérent, de telle sorte qu’il ne peut exister une attitude qui soit incompatible à une autre. On constate donc que les individus font en sorte de ne pas être exposés à des informations qui seraient susceptibles de perturber leur système attitudinel. On nomme ce phénomène l’exposition sélective.

  • Les dimensions des attitudes

Mises en évidence par Allport en 1935 puis Rosenberg & Hovland en 1960, les dimensions des attitudes furent élaborées dans la théorie tricomponentielle :

  • la dimension cognitive : chaque attitude renvoie à un certain nombre de savoirs développés par le sujet en fonction de l’objet attitudinel
  • la dimension conative : elle décrit la dimension comportementale et énergétique face à l’objet attitudinel : le sujet développe un certain nombre de comportements
  • la dimension émotive ou affective : elle correspond à une acceptation ou à un rejet d’un objet attitudinel émotionnellement parlant

Attention : ces dimensions ne sont pas toujours corrélées, il est donc complexe de déterminer une dimension par rapport à une autre. 

  1. Attitudes/opinions

Les opinions sont des indicateurs d’attitudes : elles sont la mise en mots des attitudes, leur verbalisation.

  • Les stéréotypes
  1. Définition

« Les stéréotypes sont des croyances partagées concernant les caractéristiques d’un groupe de personnes » (Leyens). Ils sont issus du processus de catégorisation sociale.

  1. Formation
  1. La surgénéralisation

Un individu a tendance à généraliser un comportement observé chez un sujet à l’ensemble de son groupe social. Ce mécanisme permet un fonctionnement mental plus économique

  1. Le biais négatif du souvenir et la perception sélective

Ils témoignent de la tendance des sujets à ne retenir que les seuls évènements qui confortent leurs stéréotypes. Il s’agit d’une sorte de système de défense qui permet aux individus de ne pas remettre en question leurs croyances.

  1. Les jugements polarisés

Les stéréotypes sont souvent dotés d’une valeur positive ou négative mais sont rarement nuancés.

  1. La corrélation illusoire

Les sujets ont tendance à surestimer les associations entre les traits attribués aux membres d’un même groupe sociale, ceci de façon à conforter les stéréotypes.

  1. Stéréotypes, relations inter-groupes et individuelles

Les stéréotypes permettent aux individus de fonctionner de façon économique et de limiter leurs questionnements sur l’origine des comportements d’autrui. Ce fonctionnement permet donc d’établir des prédictions, ce qui signifie que les stéréotypes génèrent des attentes.

Par ailleurs, ils engendrent une discrimination des individus visés par les stéréotypes : ces derniers sont souvent victimes d’une diminution de l’estime de soi et ont tendance à développer un sentiment d’auto-défaite.

L’évolution des préjugés nécessite la création d’un objectif commun supraordonné, de façon à gommer les différences.

  • La catégorisation sociale
  1. Définition

La catégorisation est un processus qui tend à ordonner l’environnement en termes de groupe, de personne, d’objet, d’évènement, tenus pour semblables ou équivalents au sein du même groupe.

  1. L’expérience de Tajfel et Wilkes (1963)

L’expérience comporte deux groupes expérimentaux et un groupe de contrôle.
La tâche est d’estimer la longueur de 8 stimuli, représentant des barres de taille variable mais en continuum : les longueurs diffèrent toutes de 5%. Les 8 barres étaient présentées à la verticale aux sujets, et étaient associées, ou non, à des lettres. 
Les barres sont ainsi présentées une par une et aléatoirement aux sujets.

Groupe 1 : condition d’appariement systématique : les 4 plus grandes barres sont associées à la lettre B, les 4 plus courtes à la lettre A

Groupe 2 : condition d’appariement aléatoire : les lettres A et B sont attribuées aux barres de façon aléatoire

Groupe 3 : appariement absent : aucune lettre n’est attribuée aux barres

expérience de Tajfel et Wilkes

Dans le groupe 1 est apparu un biais de contraste : les sujets ont tendance à estimer la différence entre les barres A et les barres B, comme plus importante que celle existant entre des barres A et des barres B. Dans la réalité sociale, cela signifie que nous avons tendance à surestimer les différences entre les membres de deux groupes (noirs/blancs, musulmans/chrétiens …) par rapport aux différences entre les membres d’un même groupe.

On observe également un biais d’assimilation : les barres A sont jugées plus ressemblantes entre elles, tout comme les barres B : il y a donc maximisation des égalités. Dans la réalité, cela correspond aux phrases telles que « ils sont bien tous les mêmes ».

Dans le groupe 2, les résultats sont semblables à ceux du groupe sans appariement : les sujets ne peuvent construire de relation entre la taille et la lettre, contrairement au groupe 1 où les sujets élaborent une inférence entre la taille et la lettre.

 

  1. Catégorisation et relations inter-individuelles et inter-groupes
    1. Expérience de Rabbie et Horwitz (1969)

Dans une première phase, ils convoquent des sujets par groupe de 8 puis les divisent en deux groupes de 4 : un bleu et un vert. Leur tâche est d’évaluer deux photos dans le cadre d’une expérience sur les formations d’impression.

La variable indépendante est le mode de rémunération :
Groupe1 : la rémunération sera attribuée à l’un des deux groupes, au hasard
Groupe 2 : la rémunération sera attribuée par décision de l’expérimentateur
Groupe 3 : la rémunération sera attribuée par décision de l’un des participants
Groupe contrôle : aucune annonce n’est faite, les sujets ne s’attendent donc pas à être rémunérés

Enfin, on demande aux sujets de donner leurs impressions sur les autres sujets de leur groupe puis de l’autre groupe. Il s’agit de la variable dépendante.

Résultats : dans le groupe contrôle, il n’est relevé aucune différence de perception entre les deux groupes. Dans l’ensemble des groupes expérimentaux (1, 2 et 3), les sujets émirent des jugements positifs sur les membres de leur groupe (endogroupe) et négatifs sur les membres de l’autre groupe (exogroupe).

On remarque donc qu’un phénomène de catégorisation sociale apparaît dés l’instauration d’un enjeu.

 

  1. Expérience de Deschamps et Doise (1978)

Ils réalisèrent leurs expériences auprès d’enfants âgés de 9 à 10 ans, réparties en 10 groupes :

  • 5 groupes de 12 enfants dont 6 filles et 6 garçons : catégorisation simple
  • 5 groupes de 12 individus comprenant 6 filles, dont 3 associées à la couleur bleu et 3 associées à la couleur rouge, et 6 garçons, dont 3 sont associés à la couleur bleu et 3 à la couleur rouge : les expérimentateurs ont créé une catégorisation croisée car les sujets se différencient par leur sexe mais se ressemblent en étant associés à la même couleur

Les enfants sont ensuite invités à réaliser des problèmes de logique puis à évaluer les performances de leur groupe puis de l’autre à l’aide d’un questionnaire comprenant 33 adjectifs.
                                                                                                              

La variable indépendante est donc : catégorisation simple/croisée

 

La variable dépendante est l’évaluation des autres individus

Résultats : dans le groupe caractérisé par une catégorisation simple, les jugements sont statistiquement plus positifs envers l’endogroupe que dans l’exogroupe. A l’inverse, dans les groupes caractérisés par une catégorisation croisée, aucune différence significative ne put être relevée.

  1. Caractéristiques du phénomène de catégorisation sociale (Tajfel, 1972)
    1. Déduction/induction

Les individus ont tendance à attribuer à autrui et de façon automatique, un certain nombre de traits en raison de leur appartenance à une catégorie. Il s’agit là d’une induction. La déduction se traduit par le fait d’inférer l’appartenance d’un individu à une catégorie dés lors qu’il manifeste certains traits.

  1. Surinclusion/surexclusion

L’affectation d’un individu au sein d’une catégorie ne se fait pas de façon objective mais en fonction de la valeur positive ou négative de la catégorie. Tajfel note ainsi que les catégories négativement valorisées se caractérisent par un phénomène de surinclusion, à l’inverse, il constate une surexclusion dans les catégories positives, correspondant à une volonté de ‘pureté’ du groupe.

  1. Perception sélective/distorsion perceptive

Les individus ont tendance à ignorer les informations remettant en question leur système de catégorisation, celui-ci correspondant à un système de défense. Un système de catégorisation est également caricatural dans la mesure où les ressemblances entre les membres d’un groupe sont accentuées dans le même temps que les différences entre les différents groupes.

  • Les recherches expérimentales

Elles portent sur la structure des représentations et sur les conditions de leur transformation.

  1. Abric (1984)

Toute représentation sociale est une organisation cognitive d’éléments de niveau hiérarchique différent. Les représentations sont donc constituées d’un noyau central dans lequel des éléments pivots sont insérés.

Le noyau central a plusieurs fonctions : une fonction organisatrice dans la mesure où il confère une cohérence à la représentation, et une fonction génératrice qui permet d’attribuer une valeur et une orientation à la représentation.

Les schèmes périphériques gravitent autour du noyau central et fonctionnent tels différents scenarii.

Expérience sur la représentation sociale de l’artisan

Dans une première phase, Abric tenta d’identifier les éléments centraux de la représentation sociale de l’artisan, afin d’exploiter ce matériel dans une seconde phase.

Phase 1 : il réalisa donc 100 entretiens auprès de personnes réparties sur l’ensemble du territoire et en extraya  les items. Il fit ensuite passer une épreuve d’association verbale à 103 autres sujets (« quels mots vous viennent directement à l’esprit lorsqu’on vous présente le mot ‘artisan’ ? »), il en retira 64 expressions ou mots centraux. Enfin, il invita 160 autres individus à réaliser une tâche de tri hiérarchique : sur 64 items ‘artisan’, les sujets devaient sélectionnés les 32 items les plus représentatifs, selon eux, des artisans. Puis sur les 32 restant, il les invitait à choisir les 16 items les plus représentatifs, etc…

De cette phase, Abric définit les 5 items du noyau central de la représentation sociale de l’artisan : travailleur manuel, amour du métier, travail personnalisé, travail de qualité  et  apprenti

Phase 2 : Abric chercha à vérifier que ces items avaient bien une fonction organisatrice.
92 sujets devaient mémoriser une liste de 30 items. Deux listes furent présentées, la première contenait les 5 items centraux, la seconde présentait des expressions équivalentes. Les 25 autres items étaient équivalents dans les deux listes.

Abric mesura le nombre de mots mémorisés pour chacune des listes et dans deux cas : une restitution immédiate et une restitution différée (15 min après la présentation des listes). Par ailleurs, deux sous-groupes furent créés à l’intérieur de chaque groupe : au premier, on indiquait explicitement que les mots présentés se rapportaient au thème de l’artisan, tandis que l’autre groupe n’était informé de rien. Les variables indépendantes étaient donc les suivantes :

Résultats :

mémoire immédiate

La première hypothèse est donc validée : les éléments centraux sont mieux restitués que les éléments périphériques, en mémoire immédiate ou différée. En revanche, la seconde hypothèse portant sur l’évocation de la représentation est infirmée : les sujets ne restituent pas mieux les éléments lorsqu’on leur indique qu’ils appartiennent à la catégorie ‘artisan’. Autrement dit, ils semblent avoir organisé automatiquement les items : cette expérience constitue donc un indice du caractère inconscient des représentations sociales

Les représentations sociales sont donc composées d’éléments stables et organisateurs qui nous permettent de hiérarchiser notre mémoire.

Conclusion :

Notre vision du monde dépend donc de nos représentations, lesquelles disposent de plusieurs caractéristiques et sont hiérarchisées en éléments centraux et périphériques. Ces représentations sont susceptibles d’être modifiées à condition qu’un élément du noyau central soit remis en cause, ou lorsqu’il existe une incompatibilité totale entre la représentation sociale et la réalité, à tel point que le noyau central en est affecté. Dans le cas contraire, seuls les éléments périphériques seront modifiés.