Le terme de névrose n’apparaît pas en tant que tel dans les classifications psychiatriques internationales (DSM : manuel statistique et diagnostic des troubles mentaux). En effet, celles-ci se fondent sur la sémiologie et ne font pas référence à la théorie. Or lorsqu’on parle de névrose, on fait appel à la théorie freudienne.
William Cullen était un médecin britannique né en 1710 et mort en 1790. Il fut le premier à utiliser le terme de névrose en 1769. Il la définit comme un ensemble de perturbations du sentiment ou du mouvement, sans lésion des organes mais en rapport avec une affection du système nerveux.
Il traduisit le livre de Cullen et en reprit quelques idées, notamment celle selon laquelle les troubles névrotiques auraient une origine psychologique.
Ils ravivèrent l’intérêt pour la névrose au cours de leurs travaux. Charcot parla notamment d’une origine psychogène de la névrose, notamment la névrose hystérique.
Freud consacra une part très important de la psychanalyse à l’étude des névroses. Il en distingua deux : la névrose hystérique et la névrose obsessionnelle. La forme de la névrose phobique est souvent rattachée à celle de la névrose hystérique.
Selon la psychanalyse, la névrose est une affection psychogène dans laquelle les symptômes sont l’expression symbolique d’un conflit psychique, trouvant ses racines dans l’histoire infantile du sujet et constituant des formes de compromis entre le désir et la défense.
La différence essentielle se situe dans le lien que le sujet entretient avec la réalité. Généralement, le névrosé a une vision de la réalité plus ou moins déformée mais qui est surtout imprégnée de ‘fantaisies personnelles’.
A l’inverse, dans le cas des psychoses, le lien à la réalité est profondément perturbé puisque l’individu est sujet à des délires et des hallucinations. La psychose présente donc une altération profonde de la personnalité avec des troubles identitaires importants.
L’hystérie ou névrose hystérique se caractérise par la survenue de différents troubles somatiques transitoires ou durables sans lésions organiques. Ces troubles somatiques sont appelés troubles de conversion car ils sont en relation avec des conflits psychiques non élaborés, c'est-à-dire non résolus.
L’hystérie renvoie également à des traits de personnalité spécifiques que l’on appelle traits de personnalité hystériques. Il s’agit du théâtralisme, de la séduction et d’un mode de pensée imaginaire.
Comme c’est le cas dans toute névrose, les premiers symptômes apparaissent à l’adolescence ou au début de la vie adulte. Certains affirment également que l’hystérie est plus fréquente chez les femmes, alors que d’autres soutiennent que les hommes sont également touchés mais manifestent d’autres symptômes.
L’hystérie fut connue dés l’époque des grands pharaons égyptiens. A cette période, les symptômes étaient attribués à une migration de l’utérus dans le corps. Au Moyen-Age, l’hystérie était assimilée à une possession démoniaque.
Charcot, Janet puis Freud remarquèrent ainsi que la symptomatologie de l’hystérie semblait se modifier d’une époque à une autre. Ainsi, à la fin du 19ème siècle, des paralysies et des surdités hystériques se manifestaient beaucoup ; aujourd’hui, elles sont beaucoup plus rares et s’orientent davantage vers la dépression.
L’une des questions majeures est donc de savoir si l’évolution de l’hystérie est due à la culture ou bien à une grande suggestibilité des hystériques.
Le point d’origine des travaux de Freud portait sur le fait de savoir si le système nerveux des hystériques était atteint. Freud répondit par la négative en insistant sur la cause psychique de la pathologie et sur l’existence d’un traumatisme psychique durant l’enfance (‘Etude sur l’hystérie’).
Il définit le traumatisme comme un évènement datable dans l’histoire du sujet et qui provoqua un affect ou une émotion pénible. Ce serait l’oubli de l’évènement traumatique qui engendrerait le symptôme de conversion car le sujet n’aurait pas été en mesure de se décharger de l’affect. Il se serait donc converti dans le corps et formerait ainsi le symptôme.
La catharsis se définit comme une purge émotionnelle. Dans un premier temps, Freud élabora la méthode cathartique sous hypnose. En état de semi-conscience, le sujet parvient à se remémorer l’évènement traumatique oublié et refoulé. Ce faisant, il y associe la décharge émotionnelle qui n’avait pu être exprimée et permet donc la disparition des symptômes.
C’est à partir de ces expériences cliniques que Freud créa le terme d’hystérie de conversion. Il définit la conversion comme un mécanisme de défense tel le refoulement, dont le rôle est de protéger le sujet contre les affects pénibles.
Conversion et refoulement peuvent être engendrés par les caractéristiques objectives de l’évènement traumatique qui empêchent le sujet de réagir de façon adaptée, mais également par les conditions dans lesquelles le sujet se trouve au moment du traumatisme et qui peuvent expliquer son incapacité à réagir. Enfin, ils peuvent provenir d’un conflit psychique plongeant le sujet dans l’incapacité de faire un choix.
L’évènement traumatique rend impossible la résolution du conflit, du fait d’une incompatibilité entre deux représentations ou entre une représentation et le Moi. Lorsque le sujet expulse la représentation inconciliable hors du Moi conscient, il s’agit du refoulement, lorsque l’affect ne peut être refoulé, il se convertit dans le corps, c’est la conversion. (voir le cas de Lucie dans Etudes sur l’hystérie)
Un grand nombre de patients hystériques rapporte des traumatismes liés au sexe vécus dans l’enfance, ce qui permet donc à Freud de mettre en relation hystérie et séduction sexuelle. Le traumatisme déclenchant serait donc souvent une agression sexuelle de la part d’un parent ou d’un adulte, subie de manière passive par l’enfant.
Celui-ci, incapable d’émotions sexuelles, ne pourrait comprendre l’évènement, ce qui engendrerait un traumatisme de non-sens. Ferenczi ajouta que la culpabilité de l’enfant serait due à une introjection du sentiment de culpabilité de l’adulte.
Selon Freud, l’agression ne serait pas refoulée car elle n’aurait pas valeur de traumatisme pour l’enfant (Freud traita peu d’enfants). A l’adolescence, surviendrait un second traumatisme venant rappeler le premier par des éléments associatifs, provoquant un oubli puis le refoulement dans un second temps. Il s’agit de la théorie de l’après-coup.
Au fur et à mesure des souvenirs d’agressions sexuelles rapportées par ses patients, Freud s’étonna du nombre si important d’adultes agresseurs. Il mit donc en doute ces propos et s’orienta dés 1897 vers l’idée de fantasmes : les scènes rapportées ne seraient donc pas réelles mais liées à des fantasmes ; c’est la naissance du complexe d’Œdipe.
Selon Freud, le fantasme serait le compromis entre le désir inconscient oedipien et les interdits moraux.
Les théories mettent l’accent sur la défaillance de la mère de l’hystérique qui serait plus ou moins effacée. L’enfant aurait donc un doute permanent sur la manière dont il a été aimé et resterait ainsi fixé au stade de la rivalité à l’égard du parent de même sexe, tout en construisant une image parentale dévalorisée.
L’hystérique présente des modalités défensives spécifiques telles que le refoulement et la conversion, lesquelles se réfèrent à un conflit psychique du point de vue dynamique.
La sémiologie est l’ensemble des troubles cliniques apparents, elle se situe dans une perspective descriptive et non compréhensive.
Symptômes somatiques :
L’hystérie se caractérise par une absence d’atteinte organique : il s’agit davantage de symptômes fonctionnels plutôt que lésionnels, même si une atteinte organique peut advenir dans l’évolution de la pathologie.
La crise convulsive :
Ce fut Charcot qui la décrivit en premier : le sujet développe des convulsions, des douleurs et des contorsions. Il s’agit de l’attitude en opisthotonos : corps raide et courbé en arrière. Si elles étaient fréquentes au 19ème siècle, ces crises sont plus rares aujourd’hui, elles se manifestent davantage comme des crises de larmes, d’agitation ou encore de spasmophilie.
Autres symptômes :
Symptômes psychiques
On retrouve surtout l’amnésie psychogène : le sujet a tendance à oublier les causes significatives de ses maux. De ce fait, l’amnésie étant sélective, la cause organique est exclue.
Des phénomènes d’inhibition intellectuelle apparaissent parfois ainsi qu’une notion de personnalité multiple.
Il ne s’agit pas à proprement parler de différentes personnalités mais d’une plasticité sur le plan de l’identification, les sujets ont donc une grande capacité à s’identifier facilement et rapidement à diverses personnes.
Le symptôme hystérique est toujours présenté et vécu de manière particulière et c’est cette expression qui permet de poser le diagnostic de conversion :
Ce fut Janet qui évoqua la notion de personnalité hystérique en 1892. Il définit un état mental particulier présent chez l’hystérique et devant être considéré comme un symptôme. Cette notion est issue de nombreux travaux neurophysiologiques, psychopathologiques, psychiatriques et statistiques. On a en effet pu démontrer statistiquement des corrélations entre l’hystérie et des traits de personnalité particuliers.
L’histrionisme
Il renvoie à un désir accentué de paraître et de séduire. L’hystérique tente en effet de plaire et de susciter l’attention mais n’est préoccupé que par ce seul mode de relation à autrui. Elle entre de ce fait, dans une dépendance pathologique vis-à-vis d’autrui.
Facilité des affects
L’hystérique a tendance à exprimer des émotions souvent exagérées par rapport au contexte, qu’il s’agisse d’amour, de guerre ou de séduction.
Un mode de pensée imaginaire
La réalité est correctement perçue mais elle est infiltrée de fantaisies telles que les rêveries incessantes autour de fixation amoureuse auprès de personnes trop lointaines et inaccessibles. L’hystérique redoute en effet les relations amoureuses et reste dans les rêveries de façon à éviter la sexualité.
La réactivité émotionnelle
Elle prend la forme d’une impulsivité ou d’une hyperémotivité, l’hystérique fait donc preuve d’une excitation débordante et non contrôlée qui peut se traduire par un état d’alerte permanent. Par exemple, lors du test du Rorschach, les hystériques s’exclament souvent devant la deuxième planche qui est rouge, cette couleur étant en rapport avec l’émotion.
Suggestibilité et mythomanie
Il s’agit des deux traits de personnalité les plus controversés. L’hystérique est en effet suggestible mais dans le sens de la plasticité de l’identification. Par ailleurs, la mythomanie, qui est un mensonge pathologique, a souvent été assimilée à la simulation.
La dépendance affective
Très sensible aux regards, aux compliments et aux reproches, l’hystérique est de fait, très dépendante d’autrui. Cette dépendance peut aller jusqu’à une perte d’autonomie sur le plan psychique et matériel. Le sujet semble parfois vivre dans un monde infantile.
Il existe également des hystériques plus dépendants mais moins histrioniques que l’on appelle personnalité passive-dépendantes et qui présentent généralement davantage de symptômes de conversion.
La crainte de la sexualité
La crainte de la sexualité constitue l’élément majeur de la personnalité hystérique, elle peut toutefois être vécue différemment selon les patients. Elle peut en effet être extrême (impuissance, frigidité), amener un dégoût ou encore un oubli.
Les psychotropes
Les ressentis anxiogènes sont traités par des anxiolytiques et les ressentis dépressifs par des antidépresseurs. Il est important de ne pas prescrire ces médicaments sur le long terme sous peine d’un risque de dépendance.
L’effet Placebo est également souvent utilisé puisque l’hystérique fait preuve d’une grande suggestibilité.
Sur le plan psychologique
Les thérapies de relaxation sont généralement proposées aux patients souffrant de troubles de conversion. Leur objectif est d’amener le sujet à se détendre de sorte que la détente corporelle lui permette progressivement de verbaliser.
Les psychothérapies les plus efficaces sont les thérapies de soutien en face à face. Le thérapeute soutient le patient de façon chaleureuse afin qu’il parvienne à verbaliser ses difficultés. Il est également très important qu’il ne témoigne d’aucun parti pris.
Les psychanalyses sont indiquées pour certains sujets seulement, car les hystériques très dépendants peuvent ne pas supporter les frustrations inhérentes à la cure.
On distingue un certain nombre de facteurs positifs et négatifs pour l’évolution de la maladie.
Les premiers sont la richesse et le dynamisme de la personnalité, la capacité à investir la sphère intellectuelle ainsi que les réponses de l’environnement familial. L’hystérique a en effet un grand besoin de sécurité affective et peut parvenir à un certain équilibre si elle la trouve. De même, les hystériques qui s’investissent professionnellement parviennent souvent à un plus grand épanouissement. Les personnalités histrioniques réussissent par ailleurs généralement bien dans le milieu artistique.
Les facteurs négatifs sont l’inhibition intellectuelle, le désintérêt du milieu familial ainsi que la solitude affective. Ils entraînent une chronicisation des symptômes ainsi qu’un risque de décompensation psychopathologique.