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Cours de Psychologie
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2 - Transformation et rationalisation du travail : le taylorisme

I - Le taylorisme

  1. Les divisions du travail

Taylor fut à l’origine de la rationalisation du travail. Selon lui, toute société existe à partir d’une division du travail qui s’exprime par une différenciation des tâches et une spécialisation des rôles selon l’âge, le sexe etc…

On distingue trois divisions :

  • la division sociale du travail qui correspond à un découpage de la population en grandes catégories socio-économiques ou en classes sociales
  • la division technique du travail qui se caractérise par la répartition des tâches dans l’entreprise
  • la division internationale du travail qui désigne des formes de spécialisation et exprime des relations de dépendance entre les nations
  1. Taylor et la sociologie du travail
    1. Naissance de la sociologie du travail

La sociologie du travail débuta avec Taylor et l’organisation sociale du travail (OST), celle-ci en représente le degré zéro puisque cette théorie est très étroite et ne reprend pas les termes prévalents de la discipline.

L’organisation sociale du travail constitue un corps de propositions et d’observations fort critiqué par les sociologues. Taylor parlait par exemple de ‘fatigue du travail’ à appréhender selon la productivité et non selon la fatigue morale due à la tâche effectuée.

Il a toutefois tracé quelques pistes ouvrant la voix de la discipline en tentant de comprendre et d’observer les fondements de l’organisation individuelle du travail et en considérant l’organisation comme un objet de science. Par ailleurs, toutes les démarches de Taylor étaient traversées par une prétention scientiste extrêmement rationnelle.

  1. Biographie

Taylor vécut de 1856 à 1917. Il est issu d’une famille aisée, son père était juriste, et il souhaitait lui aussi poursuivre dans cette voie. Il fut contraint d’y renoncer après des problèmes de santé et entra alors dans une usine comme apprenti et y évolua jusqu’au poste d’ingénieur atteint à l’âge de 28 ans.

En 1890, il devint ingénieur conseiller et consultant et travailla auprès d’entreprises dans lesquelles il mettait en application ses principes d’organisation du travail. Il publia différents mémoires : ‘Salaire aux pièces’ en 1895, ‘Direction scientifique des ateliers’ en 1903 ou encore ‘Principes de direction scientifique des entreprises’ en 1911. Il gravit ainsi les échelons et acquit davantage de connaissances et de rigueur dans son domaine d’étude.

  1. Contexte historique

L’époque de Taylor fut traversée par la première phase d’industrialisation et de très fortes évolutions du travail dans les entreprises. Ce fut le début du machinisme. On distingue trois phases majeures dans les tentatives d’automatisation

  1. La machine primitive

Elle symbolise la phase de la machine-outil, dans laquelle la production était encore unitaire et la production formée de petites séries. Les ouvriers y conservent une responsabilité dans la production en organisant et en contrôlant leur travail.

Exemple : le potier et son tour : la machine n’est qu’un outil pour la main du potier et la mise en œuvre de son savoir-faire

  1. La décomposition du travail

Cette seconde phase correspond à une augmentation de la production ainsi qu’à la division des opérations jusqu’alors effectuées par une seule machine, celles-ci étant ensuite attribuées à différents engins. Le suivi des pièces n’existant pas, cette transformation aboutit à une perte de responsabilité et de contrôle du travail. C’est à cette période qu’intervint Taylor.

  1. A compter de 1937 : l’automatisation au sein des usines Ford

Cette dernière phase se caractérise par le regroupement des opérations successives qui avaient été décomposées dans la seconde phase. Elle renvoie également à la création de la machine-transfert, c'est-à-dire à des engins assurant eux-mêmes le transfert des pièces d’un dispositif à un autre, chaque machine se mettant en marche au moment où la pièce y est déposée.

II - Le taylorisme et l’organisation sociale du travail

  1. La pensée de Taylor

Son objectif était d’ordre pratique et non d’ordre théorique, ce qui explique en partie les critiques qui lui furent adressées par la suite. L’organisation sociale du travail vise à transformer une situation initiale jugée peu satisfaisante, en adoptant systématiquement une démarche de remédiation. Il tient à une ferme efficacité de l’action, laquelle se mesure par la productivité et le rendement.

Taylor expliquait une faible productivité par la flânerie systématique des ouvriers, caractérisée par le freinage, tendance majeure des salariés à travailler le moins possible et à réduire volontairement la production. Il reconnaît tout au plus, de mauvaises méthodes de travail de la part des directions.

  1. Le freinage
    1. Description

Le freinage provient, selon Taylor, d’une mauvaise tradition de métier et d’une action strictement empirique de l’ouvrier. L’organisation du travail serait très largement laissée aux ouvriers, qui perdraient ainsi du temps à s’auto-organiser.

Il reflète également un problème de régulation : lorsque l’entreprise souhaitait parvenir à une croissance de la production, elle promettait des augmentations aux ouvriers. Cependant, seuls ces derniers connaissaient et maîtrisaient la production et le travail nécessaire. Taylor y voyait donc une supériorité des ouvriers sur la direction aboutissant à un chantage à la production.

Observant que les ouvriers basaient leur souhait d’augmentation sur la valeur de la production et non sur la valeur de la pièce, Taylor proposa, pour un ouvrier gagnant 2.5$ pour 10 pièces, une rémunération de 5$ pour 20 pièces. Ce principe fut refusé par les directions car, au-delà du coût, ils y voyaient un risque de contamination des revendications à l’ensemble des ouvriers. Ainsi, sur le même exemple, les directions proposaient de passer de 5$ les 10 pièces à 5.2$ les 20 pièces. Taylor concluait que ce type d’augmentation aboutissait à une perte de salaire à la pièce et expliquait le recours à la flânerie systématique de la part des ouvriers.

  1. Propositions de Taylor

Taylor proposa d’établir un salaire différentiel permettant de dépasser de 30 à 50% le salaire de base des ouvriers. Il le déterminait en fonction du nombre de pièces en supplément d’une quantité de travail jugée équitable. Des méthodes furent donc élaborées afin de définir les temps et masses de travail de base, cette-dernière étant ensuite divisée par l’augmentation de la production. Ainsi le salaire différentiel permettait aux entreprises de maximiser leur production et aux salariés d’augmenter leur rémunération.

Taylor y voyait deux conditions : la conception du travail ainsi que la réalisation matérielle de ce travail, laquelle devait découler de l’organisation sociale du travail. Celle-ci se proposait d’identifier les meilleures conditions d’exécution des tâches, afin que l’entreprise et les ouvriers en tirent le maximum d’avantages. L’organisation sociale du travail porte donc sur l’exécution, la réalisation matérielle du travail, mais également sur la conception même de l’organisation du travail.

  1. La rationalisation des tâches : principes fondamentaux
    1. Les 4 principes tayloriens

La rationalisation des tâches procède de l’étude systématique de l’ensemble des connaissances traditionnelles au travers d’enregistrement, de classement et de transformation de savoirs empiriques en lois scientifiques.

Rationaliser les tâches, c’est également sélectionner les ouvriers de façon scientifique et perfectionner leurs connaissances : une mise en application scientifique du travail, par des ouvriers scientifiquement entraînés. Il préconise également une répartition quasi-égale du travail exécuté dans les entreprises, entre les ouvriers et les membres de la direction.

Le travail doit être décomposé en mouvement élément : il s’agit de repérer les mouvements inutiles et de les éliminer, d’étudier les mouvements des ouvriers habiles dans une approche comparative, en mesurant les temps pour chaque geste mais aussi le rythme des pauses afin de repérer des techniques de récupération efficaces. Les combinaisons de mouvements élémentaires sont ainsi reconstituées, créant des standards d’exécution des tâches, devant ensuite être suivis par les ouvriers sans aucune déviation possible et dans un temps précis déterminé.

III - Limites et critiques du modèle taylorien

  1. Sa simplicité

Taylor analyse les tâches à caractère routinier et dans lesquelles les ouvriers ne seraient que des auxiliaires des machines. Il ne fait donc jamais référence aux processus mentaux, analysant ainsi l’Homme comme s’il était une machine.

Par exemple, la fatigue au travail n’est envisagée que comme résultante d’un effort physique. Par ailleurs, il perçoit l’homme individuellement et ne tient pas compte de la vie de groupe et des mouvements collectifs. Enfin, il considère l’argent comme l’unique source de motivation des salariés.

  1. La fin des négociations

La fixation du salaire à la rémunération différentielle ainsi que la détermination définitive des standards d’exécution des tâches, interdit toute négociation entre salariés et employeurs. Mais ce faisant, son modèle détruit toute coopération, entraînant ainsi la flânerie systématique.

  1. Déqualification et perte d’autonomie

La préparation du travail par les experts du bureau d’étude ainsi que l’exécution des tâches selon une procédure et un temps définis, aboutissent à une perte quasi-totale d’autonomie de la part des travailleurs ainsi qu’à une déqualification : le pourcentage d’ouvriers spécialisés au sein du groupe Renault passa de 4%, à 54% puis à 75% respectivement en 1906, 1925 et 1970.

  1. L’idéologie scientiste

Certaines idées développées par Taylor se rapproche en effet d’une idéologie scientiste : il opposa des lois générales et des formules irréfutables aux méthodes empiriques. Ce faisant, il s’écarta de la démarche scientifique car il ne respectait pas le principe fondamental de réfutabilité. De même, il est extrêmement critiquable d’imaginer que des méthodes élaborées dans une entreprise donnée puissent être applicables à l’ensemble des entreprises (position symbolisée par la One best way). Ses positions étaient donc dogmatiques.

Par ailleurs, Taylor était plus proche des directions que des ouvriers et adoptait une position plus directionnale que managériale. S’il reçut un tel accueil de la part des dirigeants, c’est parce qu’il proposait des instruments de contrôle et de pouvoir.

  1. Pourquoi les principes tayloriens sont ils toujours appliqués ?

Tout d’abord, le modèle taylorien représente un cadre de travail et d’organisation clair et précis, qui conduit effectivement à une augmentation sensible de la production. Il permet également un contrôle renforcé des tâches par l’utilisation de mesures statistiques.

Par ailleurs, la courbe d’apprentissage d’un mouvement-élément répété, s’avère plus efficace que celle d’un apprentissage ‘sur le tas’. Plus une opération simple est répétée, mieux elle sera réalisée et plus elle sera rapidement apprise.

Le modèle taylorien est également méritocratique, dans la mesure où il implique une préparation et une programmation minutieuse du fonctionnement de l’entreprise, un développement des formations ainsi que des pratiques d’embauche et de promotions internes.

Enfin, il confère une place particulière au contremaître car il proposait un encadrement reposant sur des bases beaucoup moins arbitraires. Il transforma son activité, de la contrainte à la formation et au conseil.