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Cours de Psychologie
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4 - Théorie de l'équilibre cognitif, Théorie de l'attribution causale

La notion d’équilibre cognitif a été introduite par Heider en 1946, elle se base sur le postulat que l’individu organise ses relations avec autrui de façon à conserver un système harmonieux. La différence essentielle avec la théorie de Festinger est qu’elle s’applique aux relations entre les individus.

  • Principe de la théorie de l’équilibre cognitif
  1. Postulat de Heider

Lorsqu’une contradiction se manifeste, des forces tendent à restaurer l’équilibre en modifiant les rapports entre les éléments de l’environnement ou en transformant la représentation que la personne s’en fait.

Il existe deux types de relations entre les éléments du champ social d’un sujet : les relations affectives ‘L’ (attitude d’un individu par rapport à une autre personne ou à un objet) et les relations d’union ‘U’ (similarité, proximité, causalité, association, appartenance).

Selon les hypothèses de Heider :

Il y a équilibre cognitif si une entité donnée possède à tous les égards les mêmes caractéristiques dynamiques. Dans le cas de deux entités, il y a équilibre si la relation est positive ou négative dans tous les cas, dans le cas de trois entités, il y a équilibre si les trois relations sont positives à tous les égards ou si deux d’entre elles sont négatives et la troisième positive.

S’il y a équilibre, des forces tendant vers l’équilibre font leur apparition et entraineront soit une modification des caractéristiques dynamiques, soit des relations d’union.

  1. Les triades

La théorie de Heider repose sur la définition de trois entités et des relations qui les lient. On nomme P, le sujet (Perceiver), O, l’autre (Other) et l’objet (X).

On distingue les relations affectives positives L+, des relations affectives négatives L-, mais également les relations d’appartenance positives U+ et négatives U-.

Lorsque l’individu est en état de déséquilibre, il a deux solutions : soit il réalise un acte, émet un comportement, soit il réorganise ses relations avec les entités concernées. L’ensemble étant destiné à obtenir une triade équilibrée ou ‘bonne forme’.

  1. Expérimentations
  1. L’induction de relation (Horowitz & al, 1951)

L’objectif de l’expérience était d’utiliser des groupes de discussion afin d’étudier la relation entre l’amitié des participants et la similitude de leurs opinions.

Dans une première phase, les sujets étaient invités à discuter de sujets d’actualité puis à classer les membres du groupe selon qu’ils sont sympathiques ou non. Dans une seconde phase, on demandait aux sujets d’indiquer s’ils pensaient que chaque membre du groupe était d’accord avec trois propositions divergentes. Enfin, ils étaient invités à donner leur propre opinion.

Résultat : le sujet a tendance à inférer une similitude d’opinion entre son propre avis et celui d’une personne pour laquelle elle éprouve de l’attrait : dans la première phase, les sujets établissent des relations P-O et P-X, alors que l’objectif de la dernière phase est de leur faire inférer les relations O-X. Selon la théorie de l’équilibre cognitif, lorsqu’il y a une relation L+ entre P et O, le sujet induit une similarité d’opinions : l’hypothèse est donc validée.

  1. Expérience de Morissette 1958, 1971

Hypothèse : Lorsque l’on place un sujet face à des situations de triades incomplètes, il a tendance à les compléter afin qu’elles soient équilibrées.

On décrit donc des situations sociales fictives aux sujets, comprenant trois ou quatre personnes, dont le sujet. La tâche est de prédire les relations manquantes.

Exemple de situation donnée aux sujets :

« Trois étudiantes, pour essayer de réduire leur train de vie, partagèrent un appartement durant plusieurs mois. Comme cela se produit d’ordinaire, lorsque deux ou plusieurs personnes vivent ensemble, elles durent affronter de nombreux problèmes tels que la répartition des tâches domestiques et les problèmes délicats de l’adaptation aux manières de faire de chacune. Elles surmontèrent bon nombre de ces problèmes.

Au cours de ces quelques mois, elles prirent l’habitude de faire beaucoup de choses ensemble: achats, études, sorties ... Cependant, l’une des étudiantes dut abandonner ses études en raison d’une maladie contractée par une personne de sa famille. Pour ne pas augmenter leurs dépenses courantes, et pour restaurer des relations sociales à présent désorganisées, les deux étudiantes qui restaient mirent une annonce afin de trouver une camarade susceptible de partager l’appartement.»

« Lorsque vous avez rencontré les étudiantes de ce groupe, Carole et Hélène, Carole vous fit bonne impression. Selon vous, elle semblait sociable, adaptable et franche. Vous n’avez pas pu vous faire une opinion sur Hélène, car un engagement important l’obligea à vous quitter aussitôt que le problème du partage de l’appartement fit décidé. En parlant à Carole, il était manifeste qu’elle avait beaucoup d’affection pour Hélène.»

Consigne : «Essayez de prédire de façon aussi précise que possible quels seront, selon vous, vos sentiments envers Hélène après deux semaines de cohabitation.»

Note: il s’agit de la consigne adapté aux sujets de sexe féminin, pour les sujets de sexe masculin, l’histoire mettait en scène des personnages de sexe masculin. Les récits sont toujours ajustés à la population estudiantine.

Morissette fixe donc les relations P-O et P-X expérimentalement, et demande aux sujets d’inférer la relation O-X. Les résultats ont confirmé l’hypothèse : lorsqu’il existe une relation L+ entre le sujet P et l’autre O, le sujet a tendance à inférer une même relation positive de rapport à l’objet.

  1. Expérience de Jordan, 1953

Cette expérience reprend un scenario proche de l’expérimentation de Morissette : 8 situations-types sont donc présentées aux sujets, dont 4 sont équilibrées et 4 ne le sont pas. La tâche des sujets est de définir un degré de satisfaction (la situation est-elle satisfaisante ou non ?).

La variable indépendante est donc le type de situation et la variable dépendante, le score donné par le sujet.

Les résultats sont de deux ordres :

  • d’une part les situations équilibrées sont jugées plus satisfaisantes que les situations non équilibrées
  • d’autre part, les situations présentant une relation P-O positives, équilibrées ou non, sont jugées globalement plus satisfaisantes

Jordan démontra ainsi qu’il existe une distinction entre les relations affectives L et les relations d’union U, les premières étant plus puissantes que les secondes et plus structurantes.

Il nomma ce phénomène, le biais de positivité.

  1. Expérience sur la mémorisation des relations

En 1960, De Soto  montra que lorsque l’on demande à des sujets de mémoriser des relations plus ou moins équilibrées, ils réalisent un certain nombre d’erreurs allant dans le sens d’un équilibre des relations.

De même, les sujets mémorisent plus facilement des relations équilibrées (Zajonc et Burnstein).

  • La théorie des attributions causales
  1. Causes internes/causes externes

Le sujet se comporte comme un scientifique : lorsqu’il est confronté à un évènement, il en recherche toujours les causes. Celles-ci sont personnelles ou internes (elles concernent alors les motivations et les capacités) ou impersonnelles ou externes (elles concernent l’environnement).

Selon Heider, c’est à partir de ces inférences causales que le sujet détermine sa ligne de conduite.

  1. La subjectivité des inférences

Heider se demande dans quelles circonstances le sujet privilégiera une cause interne à une cause externe et vice et versa. Ses travaux démontrèrent ainsi que les inférences n’étaient pas objectives et que le choix de la cause dépendait de différents critères :

La cause dépend :

  • du sujet cible de l’attribution causale : le jugement sera différent si la cible est une hétéro-attribution (recherche de la cause du comportement d’autrui) ou une auto-attribution (recherche de la cause de son propre comportement)
  • du statut social du sujet-cible dans le cas d’une hétéro-attribution
  • des relations entre les groupes auxquels appartiennent le sujet et le sujet-cible

Ces travaux permirent donc à Heider de qualifier l’Homme de scientifique naïf (scientifique puisqu’il recherche les causes, mais naïf puisque ses inférences sont subjectives).

  1. Expérimentations
  • Thibaut & al , 1955

Hypothèse : un individu perçoit la source d’un comportement consentant ou conformiste comme interne si cet individu dispose d’un statut social élevé, et comme externe dans le cas contraire.

Phase 1 : Les sujets sont convoqués par groupe de 3, le sujet en question et deux compères. Le premier a un statut social élevé (il est bien habillé, vient de finir des études supérieures) alors que le second est d’un statut plus faible (il est étudiant, porte un jean, des baskets…). La première tâche est d’évaluer les autres sujets afin de vérifier au travers de 19 questions, s’ils sont perçus positivement.

Phase 2 : On demande aux 3 sujets de tirer une tâche au sort. Le tirage est truqué de façon à ce que ce soit le sujet naïf qui doive réaliser une tâche de communication/persuasion : on lui demande donc de choisir 10 arguments parmi une liste de 38, et de tenter de convaincre les deux autres individus. L’expérience se déroule de façon à ce que le sujet pense toujours avoir convaincu ses collègues (il s’agit de les persuader de participer à une collecte de sang).

Phase 3 : On demande aux sujets de remplir le même questionnaire passé au début de l’expérimentation, tout d’abord immédiatement après avoir convaincu les compères puis à nouveau, quelques temps après (afin de contrôler certains biais). A chaque fois, on demande au sujet d’estimer la raison à l’origine de la persuasion des compères.

Variable indépendante : statut social élevé / statut social faible (avec contrebalancement).
Variable dépendante :

  • caractéristique de la cible d’attribution perçue positivement ou négativement
  • contrôle de le cible (hétéro-déterminée ou auto-déterminée)
  • attribution causale faite à propos de l’acceptation des arguments

Résultats :

  1. Le compère au haut statut social est perçu plus positivement que le compère au bas statut social
  2. L’acceptation des arguments est attribuée à des causes internes concernant le compère au haut statut élevé (il a accepté de son propre fait ou partageait déjà cet avis avant l’expérience). En revanche, concernant le compère au statut social bas, son acceptation est expliquée par des causes externes : il s’est laissé convaincre.
  3. La différence de perception dans les attributions causales se creuse encore davantage lors de la dernière passation du questionnaire
  1. Relations inter-groupes et attributions causales : expérience de Taylor & al. 1974

Hypothèse : Les attributions causales sont différentes selon les relations inter-groupes et plus particulièrement selon l’éprouvé de sympathie ou d’antagonisme.

Population : 30 sujets hindous

Phase 1 : on demande aux sujets d’évaluer les membres de leur groupe et ceux formant un groupe de musulmans, selon une échelle en 12 critères (de ‘pas du tout’ à ‘tout à fait’)

Phase 2 : les sujets sont confrontés à 16 récits de façon à manipuler deux variables indépendantes :
VI 1 : groupe confessionnel (hindous/musulmans)
VI 2 : type d’action (valorisée/répréhensible)

Les récits présentent un personnage principal auquel le sujet doit s’identifier. Il rencontre un individu (personnage secondaire) dont le groupe confessionnel et le type d’action sont manipulés. La tâche est de déterminer les causes de l’action du personnage secondaire parmi une liste de 5 causes possibles, internes ou externes.

Variable dépendante 1 : évaluation des individus appartenant aux deux groupes confessionnels
Variable dépendante 2 : cause attribuée à l’action du personnage secondaire

Résultats :

  • 9 traits sur 12 font l’objet d’une évaluation différenciée selon la confession : il y a donc discrimination
  • Lorsque le type d’action est valorisé et réalisé par un individu hindou, l’attribution causale est interne, lorsqu’elle est réalisée par un musulman, elle est jugée externe
  • Lorsque le type d’action est répréhensible, les résultats sont exactement inverses.
  1. Expérience de Deaux & al. 1974, 1990

Hypothèse : les mécanismes à l’œuvre dans les attributions causales sont généralisables à l’ensemble des Hommes, quelque soit leur sexe.

L’expérimentateur propose quatre récits différents aux sujets, hommes et femmes, puis leur demande de déterminer la raison de la réussite du personnage. Celui-ci est, selon les situations présentées, un homme ou une femme, et réussit une tâche masculine ou féminine.

Variable indépendante 1 : caractéristique sexuelle du sujet
Variable indépendante 2 : caractéristique sexuelle de la tâche réalisée
Variable dépendante : type d’attributions causales données (externes ou internes)

Résultats :

Dans le cas d’une tâche réussie masculine :

  • Lorsque le personnage est un homme, la cause inférée est interne
  • Lorsque le personnage est une femme, la cause inférée est externe

Dans le cas d’une tâche réussie féminine :

  • Lorsque le personnage est un homme, la cause inférée est interne
  • Lorsque le personnage est une femme, la cause inférée est interne

Ces résultats démontrent donc que les mécanismes d’attribution causale se retrouvent également chez les hommes et les femmes, mais qu’ils dépendent des relations de domination : l’homme étant perçu comme dominant vis-à-vis de la femme, sa réussite, même lorsqu’elle intervient sur une tâche féminine, est attribuée à ses propres caractéristiques. Ces conclusions invitèrent certains chercheurs à préférer le terme d’attribution sociale à celui d’attribution causale.

  • Evolutions des théories de Heider
  • Les travaux de Kelley

Kelley développa la théorie de Heider en répondant à la question de savoir quand un individu réalise des attributions externes. Il élabora ainsi le modèle de covariance entre effets et causes. Selon ce modèle, un effet est attribué à une cause lorsque la cause et l’effet apparaissent et disparaissent simultanément.

Ainsi, les mécanismes à l’œuvre dans une attribution causale hétéro-déterminée consistent en une analyse de la variance au travers de divers facteurs.  

Les facteurs pris en compte sont :

  • les entités, c'est-à-dire les objets
  • les individus en interaction avec les objets, soi y compris
  • le temps d’interaction avec l’objet
  • les circonstances d’interaction avec l’objet

Les critères étudiés pour chaque facteur sont :

  • La distinctivité ou la spécificité (de l'effet lié à l'objet)
  • La consistance ou la constance, persistance de cet effet dans le temps
  • La consistance de cet effet selon les modalités d'interaction avec l'objet
  • Le consensus entre les personnes au sujet de cet effet

Exemple :
Attribution à la personne :
- consensus faible
- distinctivité faible
- consistance forte
Attribution au stimulus :
- consensus fort
- distinctivité forte
- consistance forte
Attribution aux circonstances :
- consistance faible
Attention, le sujet n’envisage que très rarement tous les critères pour l’ensemble des facteurs. Il se base davantage sur un principe d’élimination pour des raisons d’économie de fonctionnement.

  • Les développements de Jones & Nisbett

Jones & Nisbett travaillèrent sur les biais intervenant dans les processus d’attribution causale, et plus particulièrement sur la tendance des individus à attribuer leurs propres comportements à des causes externes et situationnelles, alors qu’ils envisagent davantage des causes internes lorsqu’il s’agit de déterminer les raisons d’un comportement d’autrui.

  • Les asymétries réussite/échec

Il s’agit d’un autre biais, une autre erreur réalisée dans les cas de succès ou d’échec à une tâche : les réussites sont globalement attribuées à une cause interne, alors que les échecs sont assignés à la situation.

Les individus font ainsi appel à 4 catégories d’attributions selon le degré de stabilité :

En cas de succès :

  • Causes internes stables : les compétences
  • Causes internes instables : les efforts, les révisions

En cas d’échecs :

  • Causes externes stables : la difficulté de la tâche
  • Cause externes instables : le hasard
  • Attributions causales et scripts comportementaux, Langer & al 1978

Expérience :

Un compère se présente devant une file d’étudiants patientant avec plus ou moins d’agacement devant des photocopieuses. Le compère tente à chaque fois de passer devant les étudiants selon 2 variables indépendantes :

VI 1 : La justification : absence, présente et pertinente, présente et impertinente
VI 2 : Le coût de la requête : faible ou fort (5 photocopies à faire ou 20)

6 situations expérimentales sont donc testées. La variable dépendante est le nombre d’acceptation ou de refus de la demande du compère.

Résultats :

Lorsque la demande est peu coûteuse (5 photocopies), le nombre d’acceptation est plus largement majoritaire, et ce, quelque soit la justification : les sujets n’étudient donc pas la raison invoquée.

Lorsque la demande est coûteuse, le nombre d’acceptation est plus fort lorsque la justification est présente et pertinente, plutôt que lorsqu’elle est absente ou fausse.

Conclusion : les individus fonctionnent selon un principe d’économie mentale qui explique que, lorsqu’une requête est peu coûteuse, nous n’examinons pas les arguments et agissons selon des scripts comportementaux établis (dans le cas de l’expérience, la politesse). Nous faisons l’effort de réfléchir et d’analyser la situation en dehors de ces scripts seulement dans la mesure où ce qui est requis nous apparaît coûteux.

  • Le concept de locus of control, LOC, Rotter, 1954

Rotter mit au point un questionnaire permettant d’évaluer les sujets selon qu’ils fonctionnent selon un locus of control interne ou externe (dans le cas des auto-attributions) : il distingua ainsi deux catégories d’individus :

  • les sujets qui estiment que leur sort et plus généralement leur vie dépendent d’eux-mêmes ont un locus of control interne
  • les sujets qui estiment que leur sort dépend d’évènements extérieurs ont un locus of control externe

Il est aujourd’hui admis que le locus of control est une dimension importante de la personnalité relativement stable dans le temps.

Beauvois, en 1984, démontra l’existence d’une norme d’internalité partagée selon les cultures (par le biais de l’éducation, de la formation professionnelle) mais également selon la catégorie  socio-professionnelle : les individus appartenant aux catégories socio-professionnelles élevées disposent d’un locus of control interne, alors que les individus appartenant aux catégories socio-professionnelles basses détiennent généralement un locus of control externe.