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La précarisation subjective du sujet dans le travail
Le capitalisme industriel a laissé place au capitalisme financier : là où les pratiques managériales tendaient à détruire le sujet (réduction de l’Homme à un ensemble de gestes et négation systématique de ses affects), les managers actuels s’y adressent presque systématiquement, exigeant un investissement total du sujet dans l’entreprise y compris jusqu’à sa propre subjectivité. (1)
Le paradoxe du management
Si les livres de management disent souvent très peu du Travail, ils traitent beaucoup de la motivation des salariés : désormais conscients que le devenir de l’entreprise repose en très grande partie sur le travail des salariés et donc sur leur investissement dans leur métier, ils se confrontent maintenant à la question au combien difficile, de la motivation de leurs subordonnés…
A côté de ce mouvement, le diktat des actionnaires se fait extrême : il faut réduire les temps, pressuriser les espaces, rentabiliser chaque heure de travail pour produire de plus en plus et faire cracher à l’entreprise le maximum d’objets pour obtenir toujours plus de profits et de bénéfices. Se créent alors une succession de process, de méthodes, de normes mais aussi de contrôles et de techniques d’évaluation des résultats, pour répondre à cette exigence.
Le manager de terrain, lui, est donc parfaitement tiraillé. Mobiliser ses salariés, c’est en effet leur donner une autonomie suffisante pour qu’ils puissent Travailler pour l’entreprise ( pas seulement produire mais faire évoluer leur métier). En revanche, pressuriser le temps, c’est réduire les espaces de pensées et les questionnements sur les pratiques, lesquels sont pourtant à la base de tout changement et donc de toute amélioration.
L’emprise managériale
Etre force de propositions, être capable d’initiatives, posséder des aptitudes d’adaptation, résister au stress, faire preuve de souplesse, ne pas rechigner sur les heures… l’entreprise compte sur vous ! Voici quelques-unes des injonctions faites aux salariés par les managers et qui démontrent à quel point les pratiques actuelles s’adressent systématiquement à la subjectivité des individus : il faut désormais mobiliser toutes ses ressources pour l’entreprise.
Un ensemble de pratiques managériales se met donc en place au sein des entreprises pour faire appel au sujet. Pour autant, un problème demeure dans le contrôle de ce sujet qui va travailler sur son travail, développer ses compétences, questionner les pratiques et transformer son environnement, d’autant plus que la pression engendrée par le capitalisme financier réduit les temps, empêche la pensée, voire l’interdit (« vous n’êtes pas là pour réfléchir mais pour faire ! »).
L’une des ‘solutions’, ou plutôt des conséquences de ce dilemme, consiste à réorganiser et à lancer des projets : dans les entreprises, on assiste en effet à une succession de réorganisation et une multiplication des projets toujours plus nombreux mais jamais menés à terme, dont les objectifs sont à la fois une tentative d’adaptation et de maîtrise des exigences de temps engendrés par le capitalisme financier et un moyen de conserver la motivation des salariés tout en limitant leur questionnement critique sur les pratiques.
La précarisation subjective
Dans le contexte esquissé ci-dessus, un salarié sûr de lui, de ses compétences et de ses pratiques représente un danger pour le manager : disposant des ressources suffisantes (compétences, expériences, réseaux), il sera en effet en mesure de questionner l’objectif de ces multiples réorganisations et restera centrer sur ses pratiques et le sens de son métier.
Un tel positionnement ira alors à la fois à l’encontre des objectifs du capitalisme financier (l’objectif n’est plus la qualité du travail mais l’augmentation des profits) mais dans le sens de l’autonomisation requise par le manager. Se mettent alors en place un ensemble de processus pervers visant à déstabiliser ces salariés : ‘casser les réseaux’, remettre en question les compétences, nier l’expérience, détruire les collectifs de travail et les alliances, isoler…
Il s’agit de déposséder le sujet de ses ressources afin de créer le doute, la peur et l’angoisse. Etreint dans une position d’incompétence, le salarié viendra alors se réfugier et se réassurer en se raccrochant aux procédures et aux normes… L’entreprise aura alors tout loisir de mettre en œuvre son management de la bienveillance : « nous en demandons beaucoup à nos salariés, il est normal de prendre soin d’eux… »
Et oui, comme l’a dit un enseignement en management : « Mieux vaut un salarié motivé qu’un salarié compétent ! »
(1) Article écrit sur la base d’une intervention de Nicole Aubert et de Danièle Linhart à la conférence de la Nouvelle Revue de Psychosociologie ‘Le management hors sujet ?’, juin 2012