Parler de sexualité avec les adolescents

Chez l'adolescent, les interrogations autour du sexuel reviennent au premier plan de la vie psychique. Souvent les parents appréhendent ce retour, angoissés par l'idée d'être convoqués sur une thématique qui reste compliquée pour tous. Pour autant, les jeunes sont pressés de construire leur sexualité et sont en demande de réponses. Quels sont les processus à l'œuvre dans cette construction ? Comment les accompagner et depuis quelle place ?
 

La psychanalyse a autorisé à penser la sexualité infantile. Au tournant du 20ème siècle; le sexuel était, et ce même pour l'adulte, au mieux un sujet privé et secret et au pire le plus souvent un tabou. Or, Freud démontra que la structuration psychique d'un sujet adulte s'appuyait sur sa fantasmatique infantile. Sur ce socle sexuel, le psychisme se développe selon plusieurs phases. Une des principales correspond au moment œdipien. 

Par la suite, s'instaure pour une durée assez longue ce que les psychanalystes nomment la latence (environ 7-10 ans). Elle est caractérisée par un déplacement de l'énergie libidinale vers d'autres but que le sexuel (scolaire, savoir, questions existentielles…). L'adolescence marque la fin de cette période et donc le retour de contenus psychiques plus explicitement sexuels. Là où l'enfant s'intéressait aux origines et sens de la vie, l'adolescent se questionne sur ce que c'est que d'être un individu sexué et comment se conformer au genre auquel il est assigné.
 

La sexualité fait ainsi retour dans la vie des jeunes. Elle les travaille au corps et les taraude : angoisses, inhibitions, … En effet, aux mouvements psychiques se superposent des modifications corporelles. Ils sont obligés de leur donner du sens. Pour un temps ceux-ci font ainsi l'expérience d'une poussée libidinale que leur structuration du monde ne peut contenir. Ils cherchent alors à trouver un soulagement soit dans le passage à l'acte (agressivité, prises de risques) soit en réactualisant leur structure au prix d'un intense travail psychique. 

C'est alors qu'ils demandent aux adultes un transfert de savoir. Leurs interrogations, le plus souvent inconscientes, peuvent prendre une multitude de formes : questions mais aussi obsessions, symptômes… Quelque chose cherche à prendre forme et sens dans leur existence afin de s'apaiser. Ils attendent alors des adultes des pistes quant au chemin à emprunter.
 

Le registre libidinal mais aussi relationnel est un point sensible du discours adolescent. Ils ne supportent pas la moindre immiscion dans leur vie privée. Ils rejettent souvent en masse toute parole prononcée sur ce thème par l'adulte, a fortiori le parent. C'est lié au fait que ceux-ci sont les premiers objets d'amour et les premiers à avoir été visés par le désir notamment dans la prime enfance.

Or une fois l'interdit œdipien posé, il existe un tabou, une contrainte interne, qui empêche l'adolescent d'aborder ce sujet avec ses figures primordiales (père, mère, et par extension cadre familial). Toute intrusion, la plus subtile soit-elle, de la part d'un de ses proches est vécue inconsciemment par le jeune comme une fragilisation de cette limite œdipienne et réveille les angoisses dont celle-ci était sensée le protéger. Inconsciemment, aborder la sexualité en famille équivaut à rendre possible le vœu œdipien. Or l'adolescent a pour la seconde fois de son existence à y renoncer pour enfin se tourner vers l'extérieur afin de trouver des objets propres à satisfaire sa pulsion.
 

Ainsi, le jeune cherche quelqu'un qui puisse aborder la sexualité sans être l'initiateur ni le destinataire éventuel de son désir. Son angoisse majeure est d'être séduit puisqu'il sait bien qu'à parler de sexe, son excitation va augmentee. Il lui faut donc en face un discutant qui reste neutre et dont l'attitude sera de nature à contenir sa pulsion. D'autant plus qu'il a besoin de réponses concrètes parfois concernant la pratique elle-même (Comment on fait ?, détails pratiques sur les préservatifs ou la pilule, …).Dans ces conditions, les professeurs ou éducateurs divers voire les grands-parents sont plus adaptés car moins anxiogènes que les parents. Si l'adolescent doit recevoir une information claire et désérotisée notamment sur la contraception, les IST, il paraît fondamental que celle-ci soit apportée dans un cadre le moins investi possible sur le plan libidinal.

Pour autant, les parents ne doivent pas s'interdire d'aborder ce sujet. La difficulté de leur place tient en ce qu'ils sont pris dans une ambivalence : attirer l'attention de l'adolescent sur une thématique fondamentale sans pour autant lui laisser penser qu'ils pourraient le séduire. Sur les points estimés par le parent comme susceptibles de le mettre en difficulté, il est probablement plus sage d'orienter le jeune vers un autre adulte de confiance. Par ailleurs, de nombreuses structures (antennes jeunes, missions locales, planning familial, …) ainsi que de nombreuses publications spécialisées répondent parfaitement aux questions de l'adolescent et selon son propre rythme. Les adolescents ne se posent jamais que des questions auxquelles ils ont la capacité de répondre, alors qu'ils sont souvent persuadés du contraire. Dès lors, point besoin de les précéder, ils n'attendent sur ce sujet comme sur d'autres que d'être accompagnés et respectés dans les solutions qu'ils sont en train d'élaborer.