Des jeunes qui ne veulent plus travailler ? Un mythe générationnel

Derrière l’accusation de paresse se cache une remise en question profonde du rapport au travail et du sens de l’effort dans une société désenchantée.
Le rejet d’un modèle hérité
La critique récurrente visant les jeunes « qui ne veulent plus travailler » révèle avant tout un fossé entre les générations face à la valeur du travail. Là où leurs aînés ont grandi avec l’idée que l’effort garantissait réussite et stabilité, les nouvelles générations constatent l’effritement de cette promesse. Claire, 26 ans, diplômée mais désillusionnée, explique avoir refusé un CDI qu’elle percevait comme une « prison à long terme sans garantie d’épanouissement ». Ce refus n’est pas un rejet de l’activité, mais de la soumission à un système perçu comme vide de sens.
Une quête de sens plutôt qu’un refus de l’effort
Les jeunes ne rejettent pas le travail en tant que tel, mais questionnent sa finalité et son impact sur leur vie personnelle et collective. La glorification du « travailler plus » n’a plus d’écho face à une prise de conscience écologique, sociale et existentielle. Paul, engagé dans des missions ponctuelles, préfère privilégier du temps libre pour des projets personnels non rémunérés mais porteurs de sens. Ce comportement, souvent qualifié de fainéantise, traduit en réalité une tentative de rééquilibrer la place du travail dans l’existence.
La fatigue psychique héritée
Il ne faut pas négliger l’impact inconscient des générations précédentes. Les jeunes portent le poids d’un modèle productiviste à bout de souffle, hérité de parents épuisés par des décennies de surinvestissement professionnel. Ce rejet apparent peut être vu comme une forme de protection psychique face à l’absurde de l’hyperperformance. La « grande démission » ou la montée des « quiet quitters » témoignent de cette volonté de ne plus sacrifier sa santé mentale à un idéal de réussite devenu obsolète.
Vers une redéfinition du travail
Plutôt que de stigmatiser, il s’agit de comprendre que les jeunes participent à une redéfinition du rapport au travail, en phase avec les mutations du monde contemporain. Refuser un modèle sacrificiel n’est pas un abandon mais une recherche d’autres formes d’engagement, plus flexibles, plus humaines, parfois hors des cadres traditionnels. Ce mouvement révèle une lucidité générationnelle : celle d’admettre que le travail n’est plus, à lui seul, le garant d’une vie réussie.