Face aux blessures anciennes, comprendre ou pardonner ?

Certaines blessures ne guérissent pas par le simple passage du temps. On croit avoir tourné la page, mais une colère sourde, un chagrin tenace, une incompréhension persistante restent là, comme en veille. Alors la question revient : faut-il pardonner pour avancer ? Ou comprendre pour s’apaiser ? Si le pardon est souvent présenté comme un idéal de paix intérieure, il ne suffit pas toujours. Face aux blessures anciennes, le besoin de sens peut parfois primer sur le geste du pardon.
Le pardon : un concept chargé
Pardonner est un mot lourd, souvent mal compris. Il ne signifie pas excuser, oublier, minimiser. Mais dans l’imaginaire collectif, il reste associé à un effort moral, voire spirituel, presque héroïque. Beaucoup se sentent coupables de ne pas y parvenir, comme si leur souffrance devait céder la place à la réconciliation. Or le pardon ne se décrète pas. Il suppose un cheminement, une reconnaissance du tort subi, et surtout un espace intérieur suffisant pour ne plus être prisonnier du passé.
Comprendre : une voie plus souterraine
Pour certaines blessures, le besoin prioritaire n’est pas de pardonner, mais de comprendre ce qui s’est joué. Pas pour excuser, mais pour reprendre possession de son histoire. Comprendre, c’est chercher à mettre des mots sur l’inexplicable, à relier des événements à des contextes, à restituer les responsabilités sans les confondre. Cette mise en sens permet de sortir de la confusion émotionnelle, et souvent, d’apaiser une part du ressentiment.
Entre pardon forcé et pardon véritable
Le vrai pardon ne vient jamais sous contrainte. Lorsqu’il est posé trop tôt, par devoir ou pression, il peut masquer la blessure au lieu de la réparer. Un pardon sincère, s’il vient un jour, est le fruit d’un travail intérieur, pas d’une injonction morale. Et parfois, ce n’est pas le pardon qui libère, mais le fait d’avoir été entendu, reconnu dans sa douleur. C’est cette reconnaissance – par soi-même ou par l’autre – qui ouvre un espace possible de transformation.
Peut-on avancer sans pardonner ?
Oui. On peut avancer sans pardonner, mais pas sans élaborer. Ce qui fait souffrir durablement, ce n’est pas seulement le souvenir de l’événement, mais le silence qui l’entoure, l’incompréhension, l’absence de mots. Comprendre, c’est reprendre un peu de pouvoir sur ce qui a échappé. Et parfois, c’est ce travail de sens, plus que le pardon, qui permet de se sentir à nouveau en lien avec soi, sans être défini par la blessure.