L’adolescent face à l’illusion d’autonomie totale

À l’adolescence, nombreux sont les jeunes qui revendiquent une autonomie radicale : « Je n’ai besoin de personne », « Je peux gérer seul·e ». Ce discours, souvent provocateur, masque un fantasme d’auto-suffisance, c’est-à-dire la croyance illusoire que l’on pourrait exister sans l’aide ni l’influence des figures d’autorité. Derrière cette posture, le refus d’autorité est moins une volonté d’émancipation réelle qu’une tentative inconsciente de nier une dépendance encore douloureusement active.
Le mythe de l’indépendance totale comme défense narcissique
Se croire totalement autonome permet à l’adolescent de se protéger de la peur d’être encore dépendant·e des adultes. Cette posture, souvent rigide, est une forme de défense face à la réalité psychique : il ou elle a encore besoin d’être guidé·e, rassuré·e, soutenu·e. En niant cette nécessité, l’adolescent construit une illusion de maîtrise, qui lui évite d’avoir à affronter la fragilité de sa position de transition.
Refuser l’autorité pour s’extraire symboliquement du lien
L’autorité rappelle le lien de dépendance originaire. En la refusant, l’adolescent cherche à rompre symboliquement avec cette origine, à se croire né·e de lui-même, indépendant·e par essence. Ce fantasme d’auto-engendrement est au cœur de l’adolescence : il permet de s’extraire du regard infantilisant, mais peut aussi couper du soutien nécessaire au développement de soi.
Une posture qui masque une grande ambivalence
L’adolescent qui proclame son indépendance le fait souvent tout en continuant à réclamer un cadre, une présence, une reconnaissance. Cette ambivalence — vouloir être libre sans jamais vraiment lâcher la main — est caractéristique de cette période. Ce va-et-vient entre rejet et demande traduit la complexité du détachement psychique, où l’autonomie ne peut émerger que sur fond de sécurité.
Soutenir sans valider le fantasme
L’adulte n’a pas à casser le fantasme frontalement, ni à l’encourager. Il s’agit de soutenir la quête d’autonomie tout en maintenant discrètement les points d’appui nécessaires. Valoriser les initiatives sans idéaliser l’indépendance totale, rappeler qu’on peut avoir besoin d’aide sans régresser, permet à l’adolescent de s’approprier progressivement une autonomie plus réelle, moins défensive.