La période du « pourquoi » : un outil pour penser le monde

Entre 3 et 5 ans, l’enfant entre dans une phase où chaque réponse entraîne une nouvelle question. Ce flot incessant de « pourquoi » peut dérouter ou épuiser l’entourage, mais il révèle une étape clé du développement psychique. En posant des questions, l’enfant ne cherche pas seulement à obtenir des informations ; il construit sa pensée, apprivoise l’inconnu et tente de donner du sens à un monde qui le dépasse. La question devient alors un outil pour penser, maîtriser l’angoisse et structurer son rapport à la réalité.
Demander « pourquoi » pour contenir l’angoisse de l’inconnu
Lorsque l’enfant interroge sans relâche, il cherche à combler l’angoisse que provoque ce qu’il ne comprend pas. Paul, 4 ans, enchaîne les « pourquoi le ciel est bleu ? » puis « et pourquoi il y a des nuages ? » ; derrière cette curiosité, il tente surtout de donner des limites à un univers qu’il perçoit comme infini et imprévisible. Chaque réponse reçue vient momentanément rassurer face à l’immensité du monde.
La question comme affirmation de soi face à l’adulte
Poser des questions, c’est aussi exercer sa capacité à penser par soi-même et à confronter le savoir de l’autre. Emma, 5 ans, demande pourquoi elle doit aller se coucher puis enchaîne sur « pourquoi les grands décident toujours ? » ; au-delà de la curiosité, elle utilise la question pour affirmer son existence psychique face à l’autorité parentale. Le « pourquoi » devient alors un espace de dialogue – parfois de confrontation – avec le cadre imposé.
Répéter les questions pour apprivoiser des réponses existentielles
Certaines questions reviennent inlassablement, notamment autour de la mort, de la naissance ou du temps. Ces répétitions traduisent un travail psychique profond, où l’enfant tente de digérer des concepts qui le dépassent encore. Léa, 3 ans, demande tous les soirs « Pourquoi on meurt ? » même après avoir reçu des explications. Ce n’est pas tant la réponse qu’elle cherche que la possibilité de penser l’impensable à travers la parole.
Accueillir la question sans céder à l’épuisement ou au silence
Face à cette avalanche de « pourquoi », le rôle de l’adulte n’est pas de tout expliquer, mais de soutenir le mouvement de pensée en évitant de couper court. Il ne s’agit pas de répondre à tout de manière exhaustive, mais de reconnaître l’importance de cette quête de sens. Accompagner cette phase, c’est permettre à l’enfant de construire peu à peu sa capacité à penser le monde, à tolérer ce qui reste sans réponse et à se sentir en sécurité dans l’incertitude.