Psychologie

Certains engagements prennent racine plus profondément qu’on ne veut bien le croire. Derrière la force, l’élan ou la colère apparente, il y a parfois une douleur ancienne, enfouie, qui trouve dans le militantisme un espace d’expression indirecte. Militer ne consiste alors pas uniquement à défendre une cause, mais à tenter de recoller une faille intime, souvent formée bien avant la politisation consciente.

Quand la cause entre en résonance avec l’histoire personnelle

On ne choisit pas toujours une lutte pour ses idées. Parfois, c’est une cause qui réveille quelque chose de personnel, un sentiment d’injustice vécu, une expérience de dévalorisation, d’abandon ou de marginalisation. Celle qui a été réduite au silence milite pour les voix étouffées. Celui qui a grandi dans la peur défend la justice sociale. L’engagement devient un prolongement d’une histoire affective, presque un langage de l’inconscient. Ce n’est pas une stratégie rationnelle mais un appel profond. On ne milite pas uniquement pour changer le monde, on agit aussi pour réparer l’enfant blessé que l’on a été.

L’action comme écran contre la fragilité

Militer structure, canalise, organise. C’est un acte extérieur qui rassure par sa clarté, sa dynamique, sa fonction. Mais c’est aussi, parfois, une fuite contre l’incertitude intérieure. L’énergie militante permet de ne pas s’arrêter, de ne pas ressentir, de ne pas sombrer dans l’impuissance. En faisant pour les autres, on évite de se confronter à soi. L’activisme devient une forme de contournement : donner pour ne pas recevoir, parler pour ne pas sentir, dénoncer pour ne pas s’effondrer. Il y a là une tension silencieuse, entre sincérité de l’engagement et évitement affectif.

La confusion entre soi et la cause

Lorsque l’engagement est trop imbriqué dans l’histoire personnelle, la frontière entre l’intime et le politique devient poreuse. La critique d’une stratégie, d’un groupe ou d’une position peut être vécue comme une attaque personnelle. L’identification à la cause est si forte qu’elle devient identité. On ne défend plus une idée, on défend sa légitimité d’exister. Ce type de militantisme est souvent intense, puissant, mais aussi fragile. Il peut mener à une forme d’épuisement affectif ou de rigidité idéologique, où toute remise en question devient insupportable. La lutte, alors, rejoue au lieu de transformer.

De la réparation à la création de lien

Reconnaître ce lien entre blessure et engagement ne revient pas à disqualifier le combat. Au contraire, c’est une façon de l’approfondir, de lui rendre sa densité humaine. Comprendre ce que l’on cherche à réparer permet de ne plus attendre que la cause guérisse une souffrance intime. Cela offre la possibilité de se désidentifier partiellement, de mieux écouter les autres, de trouver une position plus souple et durable. Militer devient alors un acte plus libre, plus mature, qui n’efface pas la blessure, mais qui n’en dépend plus entièrement. La cause reste juste, mais elle cesse d’être l’unique lieu où l’on cherche à être réparé.

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