Psychologie

Partager, poster, réagir. À chaque émotion, un contenu. À chaque vide, un flux. Les réseaux sociaux sont devenus un réflexe quasi automatique pour de nombreux·ses utilisateur·ices, un geste aussi banal qu’indispensable, qui masque souvent une fonction plus profonde : éviter de ressentir. Derrière l’apparente spontanéité de la publication se cache parfois un mécanisme de protection affective, un mode d’évitement soigneusement ritualisé.

Un geste plus défensif qu’expressif

Publier semble aujourd’hui aller de soi. Mais ce geste, loin d’être neutre, intervient souvent dans des moments de tension intérieure : solitude, angoisse, frustration, flottement. Il donne une contenance à l’affect, le convertit en image, le transforme en produit visible. Là où l’émotion pourrait être traversée, elle est détournée. Le contenu devient une surface sur laquelle on projette, édite, arrange ce que l’on ne peut pas ou ne veut pas affronter. Publier, c’est parfois éviter de rester seul·e face à ce qui surgit.

Le flux contre la pensée

Les réseaux fonctionnent comme des antidotes au vide. L’écran capte l’attention, occupe le mental, produit un bruit de fond émotionnel qui évite l’émergence du réel. On ne réfléchit plus à ce qu’on ressent, on s’agite dans une forme de présence perpétuelle. Ce mode d’activation permanente anesthésie l’introspection. Le feed devient une barrière entre soi et soi. L’émotion brute est remplacée par une représentation lissée, modifiable, contrôlée. On croit exprimer, on exécute en fait une stratégie de fuite.

Ce que le like apaise

Le regard de l’autre, même symbolique, joue un rôle central. Le like, le commentaire, la vue ne sont pas que des signes de reconnaissance : ils viennent colmater une faille. Le retour social fait écran à la solitude, à l’incertitude intérieure. Il donne une existence extérieure à ce qui, sans cela, resterait informe ou douloureux. Dans cette boucle, publier devient un moyen de régulation affective. Mais plus le besoin de réponse est fort, plus il traduit une dépendance silencieuse à la validation externe.

Revenir au silence intérieur

Cela ne signifie pas qu’il faille renoncer aux réseaux, mais il est possible d’interroger le besoin qui motive chaque publication. Est-ce un désir de partage, ou une tentative d’évitement ? Est-ce une présence réelle, ou une stratégie de contournement ? Revenir au silence intérieur, même brièvement, permet de réapprendre à ressentir sans immédiatement montrer. C’est dans cet espace, souvent inconfortable, que l’on peut se reconnecter à une parole plus authentique, moins compulsive. Publier alors n’est plus fuir, mais prolonger ce que l’on a vraiment traversé.

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