Psychologie

Un sourire figé, une légende inspirante, un cadre soigneusement choisi. Loin d’être anodine, la manière dont chacun se présente sur les réseaux sociaux reflète un travail minutieux de sélection, d’ajustement, de narration. Mais ce geste quotidien, devenu banal, interroge : s’agit-il encore d’expression de soi ou d’une forme subtile de mensonge socialement accepté ?

L’image comme version supportable de soi

Publier sur les réseaux n’est pas une action neutre. C’est choisir ce que l’on montre, comment on le montre, et à quel moment. Ce processus de sélection permet de contrôler la perception de soi, de s’éloigner des zones floues, des aspects trop rugueux ou inconfortables. Ce que l’on expose n’est pas toujours faux, mais c’est une version — optimisée, orientée, stratégiquement incomplète. La mise en scène permet de tenir à distance ce qui, dans l’intime, pourrait déranger ou fragiliser l’image construite.

Le mensonge comme mécanisme de survie sociale

Il ne s’agit pas toujours d’un mensonge délibéré. Souvent, cette fabrication de soi répond à une attente implicite : celle d’être aimé, reconnu, validé. Dans un espace où tout est visible, comparé, archivé, la vérité brute devient risquée. On apprend alors à masquer, à styliser, à taire. Cette adaptation permanente, si elle protège un temps, produit aussi une forme de dissociation : le soi réel s’éloigne du soi exposé. Et plus cet écart grandit, plus le retour à une parole authentique devient difficile.

Une normalisation du faux

Ce qui inquiète, ce n’est pas seulement que chacun se mette en scène, mais que cette mise en scène soit devenue la norme, le langage par défaut. L’authenticité devient une posture parmi d’autres, parfois encore plus travaillée que les autres. L’émotion est calibrée, la spontanéité est cadrée, le « vrai » devient un style. Cette confusion trouble la frontière entre vérité et narration. On ne sait plus si l’on regarde une vie ou un personnage. L’écran ne cache pas : il reconstruit.

Vers une parole moins stratégique

Il est possible de réinvestir les réseaux sans y jouer un rôle constant. Cela suppose d’accepter de ne pas tout maîtriser, de publier sans stratégie, de dire sans attendre. Il ne s’agit pas de se mettre à nu, mais de retrouver une forme de sincérité dans le lien. Moins spectaculaire, mais plus habitable. Là où la mise en scène crée une tension continue, une parole moins contrôlée peut ouvrir à un soulagement discret : celui de n’avoir plus besoin de se justifier par l’image. Être sans séduire, montrer sans enjoliver. Parfois, c’est cela qui relie vraiment.

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