Psychologie

Crise de confiance, défiance généralisée, rejet de l’autorité : ces expressions saturent le discours public depuis des années. La police n’échappe pas à ce climat de suspicion, souvent alimenté par des interventions brutales, des incompréhensions culturelles ou un éloignement progressif du terrain. Pourtant, dans l’ombre des doctrines sécuritaires, une autre logique tente de s’imposer : celle de la proximité. Moins spectaculaire, plus exigeante, cette approche redéfinit l’autorité non plus comme un rapport de domination, mais comme une relation de présence et de connaissance mutuelle.

Quand l’éloignement fabrique l’hostilité

La distance entre les forces de l’ordre et les citoyens ne se mesure pas seulement en kilomètres. Elle s’installe dans les regards qui se détournent, les mots qui ne se disent plus, les gestes qui deviennent défensifs. Dans certains quartiers, la police n’est plus perçue comme protectrice mais comme une force étrangère, agissant sans comprendre les codes locaux. À Grenoble, une intervention musclée dans une cité a déclenché plusieurs nuits de tensions, aggravées par l’absence de contacts réguliers avec les habitants. Là où le lien n’a pas été entretenu, l’irruption de la force est vécue comme une intrusion. Loin de pacifier, elle radicalise. C’est tout le paradoxe d’un pouvoir sans ancrage : il peut imposer, mais rarement convaincre.

La présence comme outil de légitimation

La proximité ne se décrète pas, elle se construit. Elle suppose une présence régulière, identifiable, humaine. C’est en croisant les mêmes visages, en échangeant des banalités, en partageant un territoire que la confiance renaît. À Mulhouse, une unité de police de quartier a relancé une patrouille à pied, aux heures fixes, dans une zone pourtant considérée comme sensible. Après quelques semaines de tension silencieuse, les riverains ont commencé à saluer, puis à parler. Certains ont évoqué des conflits de voisinage, d’autres des jeunes déscolarisés qui traînent. Rien d’exceptionnel, sinon le fait que cette parole ne serait jamais parvenue à un bureau de police classique. L’autorité devient alors non pas un pouvoir sur les autres, mais un appui reconnu, parce qu’il est perçu comme légitime.

Une posture plus exigeante que la contrainte

Travailler dans la proximité, ce n’est pas relâcher l’autorité, c’est en changer les fondations. Cela implique d’incarner soi-même les règles que l’on est chargé de faire respecter. C’est aussi accepter d’être confronté à la complexité, de renoncer à l’uniformité des réponses, de faire face à des demandes contradictoires. À Lyon, une policière en poste dans un quartier populaire raconte comment elle a dû négocier avec un groupe de jeunes pour rétablir l’accès à une place publique squattée. Plutôt que de faire appel à une intervention extérieure, elle a pris le temps d’écouter, de discuter, de poser un cadre clair. Le conflit a été désamorcé, non par la force, mais par une autorité incarnée, qui n’a pas reculé mais s’est rendue lisible. Ce type d’action reste minoritaire, car il demande du temps, de la confiance de la hiérarchie, et une formation que les structures actuelles ne valorisent pas encore assez.

Vers une autorité relationnelle

La méfiance actuelle vis-à-vis de l’autorité n’est pas un rejet de toute règle : c’est souvent le symptôme d’un manque de reconnaissance. Réinventer l’autorité, c’est lui redonner une fonction relationnelle, capable d’écouter autant que de rappeler la loi. La proximité n’est pas une faiblesse, mais un déplacement stratégique. Elle remet la parole au cœur de la mission, non comme un supplément d’âme, mais comme un outil opérationnel. Dans cette perspective, l’autorité ne se décrète plus : elle se gagne.

Trouver un psy