Psychologie

La question de l’objectivité journalistique revient avec insistance à mesure que la presse se fragmente entre lignes éditoriales affirmées, formats d’opinion, et lectures communautaires. Dans un paysage marqué par la polarisation, l’idéal d’une information neutre semble de plus en plus contesté, voire obsolète. Pourtant, l’objectivité ne désigne pas une absence de point de vue, mais une méthode : rigueur, vérification, distance critique. Ce qui vacille aujourd’hui, ce n’est pas tant la vérité des faits que leur capacité à circuler dans un espace commun. Et cela interroge la fonction même du journalisme dans une démocratie fracturée.

Une exigence perçue comme masque

Le terme « objectif » est souvent soupçonné de masquer un biais non avoué, un discours d’autorité déguisé en neutralité. Dans un contexte de défiance généralisée, revendiquer l’objectivité peut apparaître comme une posture suspecte. Certains lecteurs, surtout dans les jeunes générations, valorisent davantage la transparence sur les convictions que la prétention à une neutralité. Un journaliste du Monde explique recevoir plus de sollicitations pour ses prises de position personnelles que pour ses enquêtes. Ce déplacement des attentes brouille la frontière entre opinion et information. Le risque est de réduire la crédibilité d’un propos à l’identité de celui qui le porte, au détriment des méthodes utilisées pour l’établir.

L’affirmation éditoriale comme repère

Face à une réalité complexe, les médias optent de plus en plus pour une ligne éditoriale marquée, assumée, revendiquée. Cela permet de créer une cohérence, une identité, un rapport stable avec le lectorat, mais au prix d’un certain enfermement. Les titres sont lus en fonction de ce qu’ils « pensent » plus que de ce qu’ils montrent. Ce phénomène s’accentue à mesure que les formats se multiplient et que les lecteurs se replient sur des univers médiatiques familiers. Dans ce cadre, l’objectivité devient non pas absente, mais redéfinie : elle ne consiste plus à effacer le point de vue, mais à signaler son existence et à rendre visibles les procédés de fabrication de l’information. C’est un renversement qui demande plus d’effort, plus de pédagogie, plus de temps.

Une méthode fragile, mais nécessaire

Si l’objectivité comme neutralité absolue est un mythe, l’objectivité comme éthique du doute et du croisement des sources reste indispensable. Elle permet de construire des récits qui dépassent les appartenances immédiates, de faire entendre des faits dans un langage commun. Ce n’est pas l’absence d’engagement qui fonde la crédibilité, mais la capacité à faire exister plusieurs versions du réel, à nommer ses limites, à corriger ses erreurs. Dans un monde où l’opinion circule plus vite que le savoir, ce type de posture devient rare — donc précieuse. Car sans ce socle méthodologique, l’information se réduit à un marché de récits concurrents, où chacun se contente de lire ce qu’il croit déjà.

Rétablir un lien par l’honnêteté méthodique

L’avenir de l’objectivité ne passe sans doute plus par une position d’autorité distante, mais par une explicitation des choix, une rigueur assumée, un respect constant de la complexité. Ce n’est pas renoncer à informer, c’est choisir de le faire avec prudence, avec exigence, sans prétendre à l’absolu. Dans une presse polarisée, cette forme d’objectivité – modeste, critique, assumée – pourrait bien être la seule manière de maintenir un espace commun, fragile mais encore possible.

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