Psychologie

À l’heure du numérique et des plateformes à la demande, la télévision linéaire peut sembler archaïque. Et pourtant, elle conserve une audience stable, voire fidèle. Ce paradoxe s’explique moins par l’attachement à un dispositif technique que par le confort psychique qu’elle procure : celui de ne pas avoir à choisir. Dans un environnement où tout est disponible, la contrainte d’un programme imposé devient une forme de soulagement. Regarder ce qui passe, plutôt que chercher quoi voir, c’est échapper un instant à la responsabilité du choix.

Une disponibilité sans tension

Regarder une chaîne de télévision, c’est accepter qu’un programme suive un autre, que la temporalité soit dictée par une logique extérieure. Ce mode de consommation apaise un rapport au temps devenu hyperactif et décisionnel. Face à un catalogue de milliers de titres, beaucoup d’usagers des plateformes décrivent une forme de fatigue : ils passent plus de temps à chercher qu’à regarder. À l’inverse, allumer la télévision linéaire, c’est déléguer cette charge mentale. Une spectatrice régulière explique regarder Arte le soir « parce que c’est là », même si elle ne sait pas ce qui sera diffusé. Ce relâchement cognitif redonne une fonction simple au média : remplir un moment, sans attente ni stratégie.

Une temporalité partagée, rassurante

La télévision linéaire crée aussi un rythme collectif, même discret. Elle donne la sensation que d’autres, au même moment, regardent la même chose. Ce sentiment d’appartenance invisible, propre au direct ou au rendez-vous régulier, compense la solitude de la navigation personnalisée. Regarder Le 20h, une émission de variété ou un vieux film programmé n’est pas seulement une activité de loisir : c’est un geste ritualisé, un repère. Dans un monde où tout est disponible à tout moment, cette fixité devient précieuse. Elle structure la soirée, marque la fin d’une journée, introduit un silence. C’est une expérience partagée sans interaction, mais pas sans sens.

Une absence de choix comme refuge

Ne pas choisir, ce n’est pas toujours renoncer : c’est parfois se protéger d’un excès de liberté. Le modèle des plateformes repose sur l’individualisation, mais cette individualisation produit aussi de l’isolement, de l’angoisse du choix, une fatigue de l’abondance. La télévision linéaire, en imposant un flux, simplifie la relation au contenu. Elle désamorce l’enjeu de trouver « le bon programme », elle propose un cadre, même imparfait. Cela ne signifie pas qu’elle soit supérieure, mais qu’elle offre une alternative mentale. Dans certains moments de vulnérabilité, de fatigue ou d’indécision, ce cadre rassure. Il n’exige rien, il est là.

Choisir de ne pas choisir

Regarder sans choisir n’est pas nécessairement un signe de passivité intellectuelle. C’est parfois une manière de relâcher la pression, de se laisser porter, de retrouver un rythme externe. Dans une époque saturée d’offres et de décisions à prendre, la télévision linéaire retrouve une fonction presque thérapeutique. Non pas en tant que média d’information ou de culture, mais en tant que présence stable. Cette forme d’abandon, loin d’être une régression, peut être une respiration. À condition de la vivre consciemment, comme une pause dans un monde où tout exige d’être décidé.

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