Difficulté de lecture : 3 / 5
Politique, histoire et sociologie
Comment ces deux disciplines des sciences humaines se sont-elles imposées comme matière scientifique et quels furent leurs liens avec le politique ?
Histoire de…l’histoire
La première université moderne fut fondée en 1810 à Berlin par Wilhem Von Humboldt qui définit les règles de la méthode historique en rejetant la démarche spéculative employée jusqu’alors par les philosophes.
L’histoire repose sur le constat qu’un lien indirect nous rattache aux générations passées, lesquelles ont laissé des traces concrètes et observables telles que les bâtiments, les écrits ou encore les monuments. La compréhension de ces époques et de leurs contemporains nécessite donc de se mettre à leur place et d’abandonner toute démarche de jugement. Ainsi bien que ce positionnement ait été repris par d’autres sciences humaines et notamment la psychologie, ce fut l’histoire qui l’adopta en premier.
La plupart des historiens du 19ème siècle était des bourgeois qui utilisèrent leur discipline dans la lutte contre l’aristocratie. En Allemagne, alors sous le joug de Napoléon, les historiens s’employèrent à rechercher l’origine des peuples et de leurs coutumes, cherchant ainsi à développer le sentiment national. Politique et histoire furent donc liées dés leurs origines.
L’impact des innovations de la fin du 19ème siècle
Les grandes découvertes modifièrent considérablement le paysage social et politique : naissance du chemin de fer, développement de la presse écrite, mise en place du suffrage universel, tous permettent à un plus grand nombre de citoyens de s’exprimer et de prendre part aux débats publiques.
La guerre de 1870 entre la France et la Prusse influença le courant historique qui se donna alors comme objectif de défendre leur nation. Dés lors, les politiques virent en l’histoire un moyen de renforcer la cohésion nationale et appuyèrent donc son développement.
Le manifeste de Gabriel Monod en 1983 marqua un tournant dans le développement de l’histoire en affirmant sa fonction civique : il s’agit de « rechercher la vérité »et de faire de la discipline « le dépositaire des traditions de son peuple et de celles de l’humanité », « C’est par là que tous se sentiront les rejetons du même sol, les enfants de la même race, ne reniant aucune part de l’héritage paternel », l’historien participera ainsi « à la grandeur de la Patrie en même temps qu’au progrès du genre humain ».
Crise économique, naissance du socialisme et bases de la sociologie
Entre 1870 et 1880, l’Europe traverse une profonde crise économique. Le peuple est confronté au chômage et à la misère et s’emploie donc à utiliser les nouveaux moyens de communication à distance (la presse écrite, le téléphone, le télégraphe) pour amplifier le mouvement de contestation. Le socialisme s’impose alors sur la scène politique en promettant une révolution qui mettra fin à l’exploitation de l’homme par l’homme.
C’est dans ce contexte que naît la sociologie, traduction du socialisme dans le champ intellectuel. Tout comme l’histoire, elle entend utiliser une démarche empirique, produire des données objectives et se définit comme une science historique dans la mesure où elle s’appuie sur le passé pour comprendre les sociétés humaines.
Divergences entre histoire et sociologie
La première distinction tient à la considération des évènements passés. Pour les historiens, chaque fait est unique et ne peut donc se reproduire. En ce sens, l’histoire ne peut être un outil d’étude du présent. Les sociologues, eux, perçoivent la subjectivité des historiens, en tant qu’êtres humains : les recherches sur le passé sont obligatoirement influencées par la perception du chercheur. Il est donc indispensable de construire le questionnement permettant la comparaison dans l’espace et dans le temps des phénomènes sociaux.
La seconde divergence tient à l’objet d’étude des deux disciplines. L’histoire ne s’attache pas à l’individu mais davantage aux nations, aux Etats ou encore aux grands mouvements politiques et sociaux. La sociologie considère ces entités comme appartenant au champ politique et se refuse donc à les employer. Max Weber dira ainsi qu’il faut déconstruire ces entités collectives afin de retrouver les atomes élémentaires. La sociologie ne se considère pas pour autant comme une science de l’individu (occupée par la psychologie) mais comme l’étude des relations qui lient les individus entre eux.
Enfin, historiens et sociologues ne partagent pas la même conception de leur rôle. Alors que l’histoire entend répondre aux questions des gouvernements, la sociologie souhaite contribuer à «éduquer le jugement sur des questions pratiques pour donner aux citoyens des armes qui leur permettront de penser et d’agir de façon plus autonome» (Max Weber).