Psychologie

On nous répète qu’il faut “écouter ses besoins”, “suivre ses envies”, “respecter son rythme”. Ces injonctions modernes, en apparence libératrices, recèlent une ambiguïté : ce que l’on prend pour un besoin authentique est parfois l’expression d’une peur. Derrière un retrait, une préférence, une décision apparemment juste pour soi, se cache parfois un évitement. Le désir ne parle pas toujours directement — il est souvent recouvert, détourné ou figé par des défenses qui miment la sincérité.

Le besoin comme refuge déguisé

Certaines personnes affirment avec assurance qu’elles “ont besoin de calme”, “n’aiment pas les groupes”, ou “préfèrent la solitude”. Mais ce qui semble être un choix peut parfois être une protection. Un besoin proclamé peut en fait masquer une peur d’être vu, de dépendre, de perdre le contrôle. L’affirmation de soi devient alors une clôture. L’écoute intérieure, si elle n’est pas traversée par un questionnement, risque de renforcer l’évitement au lieu d’ouvrir au désir réel.

La peur qui se déguise en sincérité

La peur, elle aussi, sait se faire passer pour une vérité intérieure. Elle s’infiltre dans nos décisions, en se camouflant dans une tonalité raisonnable, rationnelle, modérée. Elle propose des alternatives douces, rassurantes, mais pauvres en intensité. Ainsi, on évite l’imprévu, le trouble, le risque d’attachement ou de transformation. Le désir, dans ce paysage, devient flou, inaudible, recouvert par une série de “bons choix” qui ne dérangent rien. La confusion s’installe : ce que je fais pour moi, est-ce vraiment pour moi, ou contre ce qui me fait peur ?

L’exemple de Claire, 42 ans

Claire est graphiste indépendante. Elle dit qu’elle “aime travailler seule, à son rythme”. Mais depuis quelque temps, elle ressent une fatigue sourde, une impression de vide. Elle refuse des collaborations, coupe court aux échanges prolongés. En séance, elle se rend compte que ce “besoin de solitude” a commencé après une rupture douloureuse. Elle a peu à peu confondu retrait protecteur et besoin réel. Ce qu’elle croyait être une fidélité à elle-même était une défense. Elle ne désirait pas la solitude : elle l’utilisait pour ne plus souffrir. Le désir, enfoui, commence alors à se faire entendre autrement.

L’écoute qui transforme, pas celle qui fige

S’écouter ne signifie pas valider immédiatement ce que l’on ressent. Cela suppose d’interroger ce qui se répète, ce qui se justifie trop vite, ce qui semble “naturel”. Une vraie écoute de soi inclut l’inconfort, le doute, la confrontation avec ses propres contradictions. C’est dans cette tension que le désir peut émerger. Non pas le désir impulsif ou compensatoire, mais celui qui dérange, qui déplace, qui engage. Celui qui nous relie à quelque chose de vivant, même s’il fait peur.

Distinguer désir et défense

La difficulté n’est pas d’identifier ses besoins, mais de faire le tri entre ce qui relève d’un élan et ce qui relève d’un repli. Pour cela, il faut du temps, de l’attention, parfois un tiers qui nous aide à décoller les couches. Ce n’est pas un processus spectaculaire. C’est un affinement lent, une écoute qui devient plus fine, plus profonde. Et c’est seulement là que le désir cesse d’être silencieux. Il ne s’impose pas. Il chuchote. Encore faut-il ne pas le confondre avec une peur bien habillée.

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