Psychologie

Il est des pratiques sportives si régulières, si intenses, si irréductibles à la fatigue ou à l’imprévu, qu’elles finissent par interroger : s’agit-il encore de discipline ou d’une dépendance silencieuse ? Quand le sport ne peut plus être suspendu sans malaise, quand l’idée de faire une pause déclenche du trouble, ce n’est plus le corps qui est maître, mais l’angoisse. Derrière certaines habitudes sportives inflexibles, se cache parfois une difficulté plus profonde : celle d’habiter le vide, de coexister avec le rien, sans agitation ni but précis.

L’activité physique comme rempart contre le vertige intérieur

Se mouvoir chaque jour, transpirer, progresser, permet à certains d’éviter un espace qu’ils ne peuvent tolérer : le vide intérieur, cet état flottant sans direction ni maîtrise apparente. Le sport remplit, structure, canalise. Il offre une forme d’ordre et d’occupation dans un monde intérieur qui, autrement, semblerait chaotique ou menaçant. L’effort devient alors une protection contre ce qui, dans le silence, risquerait de surgir : un souvenir refoulé, une perte jamais digérée, ou une angoisse existentielle que l’on n’ose pas nommer.

Exemple concret : une impossibilité de se poser sans culpabilité

Marc, 47 ans, court tous les matins à 6 h, week-end compris. Il évoque un besoin de « commencer la journée en étant bien », mais dès qu’une blessure ou une obligation familiale empêche sa sortie, il devient irritable, inquiet, presque agité. En séance, il décrit une sensation de vide oppressante quand il ne peut pas courir. Ce n’est pas la course qui l’anime, c’est la peur de ce qui se passe en lui quand il s’arrête. Son corps est devenu une machine occupée à fuir une forme d’effondrement subjectif dès que le mouvement cesse.

Quand la maîtrise du rythme masque une angoisse de chute

Le besoin de rythme, d’intensité, de progression continue n’est pas uniquement moteur : il peut relever d’une stratégie inconsciente d’évitement. Le sport devient alors l’équivalent d’un filet de sécurité psychique, qui permet de ne jamais chuter, de ne jamais ralentir assez pour ressentir. L’arrêt, dans cette configuration, n’est pas une pause, mais une menace. Il symbolise le risque de s’effondrer intérieurement, de se confronter à des zones non pensées, non digérées. La fatigue, même reconnue, n’a pas voix au chapitre.

Sortir du cycle en acceptant l’expérience du vide

L’unique voie de sortie n’est pas l’abandon du sport, mais la reconnaissance de son usage défensif. Accepter de faire l’expérience du vide, ne serait-ce qu’un instant, permet parfois d’en apprivoiser la texture. Ce vide n’est pas nécessairement un gouffre : il peut devenir un espace de retour à soi, à condition qu’il ne soit plus chargé d’angoisse ou de culpabilité. C’est en autorisant le ralentissement, même partiel, que certains commencent à s’écouter différemment, non plus dans la fuite, mais dans une forme nouvelle de présence.

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