Refus de nourriture, refus des parents ?

Le refus de manger chez l’enfant inquiète souvent les adultes, qui y voient un danger pour la santé ou un simple caprice. Pourtant, derrière ce comportement apparemment anodin se joue un véritable langage du corps. Quand l’assiette devient un objet de rejet, c’est parfois la relation à l’autre – et en particulier aux parents – qui est en question. Le repas, loin d’être neutre, peut révéler des tensions affectives, des besoins d’autonomie ou des conflits inconscients que l’enfant n’exprime pas autrement.
Le repas, un terrain d’enjeux psychiques
Derrière le refus de manger se cache rarement une simple affaire de goût ; ce geste apparemment banal révèle souvent des tensions invisibles dans la relation parent-enfant. Le moment du repas cristallise des enjeux affectifs où se mêlent dépendance, contrôle et désir d’autonomie. Lorsque Léa, 4 ans, rejette systématiquement les plats cuisinés par sa mère mais mange sans difficulté à la cantine, elle exprime inconsciemment le besoin de s’extraire d’une relation trop fusionnelle. Ce refus devient alors une manière silencieuse de poser une frontière là où les mots manquent.
Refuser de s’alimenter, c’est exister autrement
Dans le geste de refuser la nourriture, l’enfant revendique un espace de liberté là où tout semble lui être imposé ; c’est l’un des rares domaines où son « non » a une portée immédiate. Ce contrôle du corps devient un terrain d’expression privilégié face aux injonctions parentales, surtout lorsque l’enfant traverse des périodes de remaniement identitaire. Paul, 6 ans, commence à trier méticuleusement ses aliments après la naissance de son petit frère ; derrière ce rituel alimentaire, il cherche à reprendre la maîtrise d’un quotidien bouleversé par l’arrivée d’un rival affectif.
Le rejet de la nourriture comme message inconscient
Bien plus qu’une opposition frontale, le refus d’avaler signale souvent l’impossibilité d’ »avaler » une réalité émotionnelle trop lourde. L’enfant, incapable de formuler avec des mots ce qui le traverse, laisse son corps parler à sa place. Emma, 5 ans, perd brutalement l’appétit après un déménagement ; son refus des repas exprime son désarroi face à la perte de repères et à l’angoisse du changement. Ce langage corporel agit comme un signal d’alerte que les adultes doivent apprendre à décoder sans le réduire à une simple « phase ».
Accompagner sans forcer : entendre ce que dit le corps
Face à ces comportements, l’insistance des adultes à faire manger risque de transformer le repas en lieu de confrontation plutôt qu’en espace de sécurité. Plus le refus est interprété comme une provocation, plus il s’enkyste dans une logique d’opposition. L’enjeu n’est pas tant de forcer l’enfant à avaler que de comprendre ce qu’il tente de dire en se taisant. En laissant à l’enfant le temps de retrouver confiance et en offrant un cadre apaisé, les adultes permettent à ce langage du corps de s’estomper naturellement au profit d’une parole mieux élaborée.