Psychologie

Être l’aîné dans une fratrie, ce n’est pas seulement une question d’âge. C’est souvent une place particulière, chargée d’attentes, de responsabilités, de projections parentales. Très tôt, l’aîné entend qu’il doit « montrer l’exemple », « être raisonnable », « faire attention aux plus jeunes ». Derrière cette injonction, parfois implicite, se cache un rôle symbolique qui peut peser lourd sur l’identité. Alors, que signifie vraiment « donner l’exemple » ? Et comment s’en dégager sans trahir sa place ?

Une responsabilité posée très tôt

Dès l’arrivée d’un cadet, l’aîné est souvent invité à grandir plus vite. On le félicite pour sa maturité, on attend de lui qu’il aide, qu’il comprenne, qu’il fasse preuve de patience. Même sans que cela soit explicitement dit, il comprend qu’il doit se montrer « grand », parfois même réprimer ses propres besoins pour ménager l’équilibre familial. Cette responsabilisation précoce peut développer de vraies compétences — autonomie, sens du devoir — mais elle peut aussi générer un sentiment de solitude ou de pression diffuse.

« Donner l’exemple » : une injonction silencieuse

Être l’aîné, c’est souvent être le premier à tout faire : premier à aller à l’école, à avoir un téléphone, à passer un examen. Cela place l’enfant dans un rôle de modèle involontaire, sous le regard constant des parents, puis des plus jeunes. Cette position peut renforcer l’image d’un enfant sérieux, fiable… mais parfois figé. L’aîné peut en venir à croire qu’il n’a pas le droit à l’erreur, qu’il doit réussir, protéger, porter — même au détriment de ses propres désirs ou fragilités.

Quand l’exemple devient un fardeau

Cette position peut devenir étouffante à l’adolescence ou à l’âge adulte, notamment si l’aîné a l’impression que sa valeur dépend de son exemplarité. Il peut avoir du mal à se montrer vulnérable, à demander de l’aide, ou à faire des choix différents de ceux attendus par la famille. Certains ressentent une culpabilité à décevoir, d’autres s’épuisent à tenir un rôle qui ne leur correspond plus. Cette fidélité à l’image de l’aîné « solide » peut entraver l’émergence d’un moi plus libre, plus nuancé.

Un rôle qui peut se transformer

Être l’aîné n’est pas une condamnation à vie. Il est possible, avec le temps, de revisiter cette place, d’en garder la force sans subir le poids. Cela passe par un travail d’élucidation : qu’ai-je intégré comme attente ? Qu’ai-je dû mettre de côté ? Qui suis-je en dehors de ce rôle ? Reconnaître que l’on a été assigné à une image ne veut pas dire rompre avec sa famille : cela permet d’y revenir autrement, avec une parole plus authentique, plus choisie.

Retrouver le droit d’être soi, pas seulement un modèle

Donner l’exemple ne doit pas signifier se sacrifier ou se taire. L’aîné a, lui aussi, le droit à l’erreur, à la nuance, à la fragilité. Se dégager de l’idéal d’exemplarité, c’est retrouver le droit d’exister pour soi, pas seulement en fonction des autres. C’est aussi permettre aux membres de la fratrie d’avoir des modèles pluriels, plus humains, plus réels. En osant s’écarter du rôle figé, l’aîné ouvre souvent la voie à un nouveau type de lien familial : moins hiérarchisé, plus libre, plus vrai.

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