Psychologie

La question semble légère, presque affectueuse, posée avec un sourire ou une bienveillance feinte. Et pourtant, elle réveille souvent une gêne soudaine. « Et toi, c’est pour quand ? » fait mine d’être une simple curiosité. Mais elle porte en elle une injonction sociale forte, une norme implicite, un sous-entendu à peine voilé : si tu n’es pas encore en couple, engagé·e, parent, c’est qu’il manque quelque chose. Derrière la question anodine, se rejoue un modèle relationnel dominant auquel il faudrait se conformer.

La pression affective sous couvert d’intérêt

Ce qui déstabilise dans cette question, ce n’est pas seulement son contenu, c’est sa forme : elle se présente comme une marque d’attention, tout en disqualifiant silencieusement une situation actuelle. Il ne s’agit pas de demander comment l’on va, mais pourquoi l’on n’est pas « encore » dans une case attendue. La question présume un manque, là où il n’y a peut-être qu’un autre rythme de vie ou un autre désir. Elle crée un malaise non par hostilité, mais par maladresse normalisée.

Ce que la question ravive

Ce type d’interpellation vient toucher des zones sensibles. Selon les histoires personnelles, il peut réveiller une blessure d’infériorité, une peur de rester seul·e, un sentiment d’échec. Parfois même une culpabilité flottante : ai-je raté quelque chose ? Ai-je trop attendu ? La question agit comme un projecteur sur une zone intime, pas toujours apaisée, qu’on ne souhaitait pas exposer. Ce n’est pas la question en soi qui fait mal, c’est ce qu’elle active de plus ancien, de plus enfoui.

Une injonction à se justifier

« Et toi, c’est pour quand ? » suppose une réponse qui expliquerait pourquoi on n’est pas encore « dans la norme ». Elle pousse à se justifier, à minimiser, à se projeter… comme si l’on devait rendre des comptes sur son propre rythme intérieur. Elle réduit l’expérience du célibat à un entre-deux temporaire, jamais à un choix ou une étape habitée. Et dans ce mouvement, elle nie la complexité du lien, du désir, de l’histoire affective singulière.

Une projection plus qu’une curiosité

Souvent, ceux qui posent cette question le font en miroir. Ils défendent, parfois sans le savoir, leur propre choix de vie, leur propre système de valeurs. Ils attendent que l’on valide, d’une certaine manière, la justesse du couple comme horizon souhaitable. La question n’interroge pas vraiment l’autre, elle reconfirme un modèle intériorisé. Elle n’ouvre pas un espace de dialogue, mais réaffirme un cadre.

Se réapproprier la réponse

Face à cette question, il est possible de ne pas répondre dans la logique attendue. De ne pas promettre un « bientôt », ni évoquer une prochaine étape. Il est possible de dire : « Je ne sais pas », « Je suis bien comme je suis », « Ce n’est pas une priorité pour moi aujourd’hui ». Redonner du sens à son propre rythme, c’est ne plus se définir par rapport à un modèle extérieur. Et c’est, peut-être, là que réside la véritable liberté.

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