Le corps après l’avortement : traces psychiques d’un acte médical

L’avortement est souvent présenté comme une intervention rapide, maîtrisée et sans conséquence durable sur le corps. Pourtant, si les cicatrices physiques disparaissent vite, le corps psychique, lui, garde parfois l’empreinte silencieuse de cet acte. Car au-delà de la dimension médicale, l’IVG touche à l’intime, à la représentation que l’on a de son propre corps, de sa capacité à donner ou à interrompre la vie. Ce vécu peut modifier, même subtilement, la manière d’habiter son corps.
Le corps vécu comme lieu de passage et de rupture
Après une IVG, certaines femmes ressentent leur corps comme étranger ou « altéré », sans que cela soit visible de l’extérieur. Clara, 28 ans, confie avoir eu l’impression que son ventre était « vide mais lourd » après l’intervention. Ce paradoxe révèle comment l’inconscient inscrit l’événement corporel comme une rupture intérieure, même lorsque le choix est assumé. Le corps devient alors le théâtre discret d’une mémoire enfouie.
La difficulté à se réapproprier son image corporelle
Pour certaines, le rapport au corps après l’avortement passe par une phase de distanciation, comme si le corps portait la trace d’une transgression. Sophie, 31 ans, évoque un malaise à se regarder nue, sans pouvoir associer ce ressenti directement à l’IVG. Ce type de réaction traduit une culpabilité inconsciente projetée sur le corps, perçu comme le dépositaire silencieux d’un acte que le psychisme peine à intégrer.
Les manifestations somatiques d’un non-dit psychique
Fatigue persistante, douleurs diffuses, troubles du cycle : le corps peut exprimer ce que la parole n’a pas encore formulé. Julie, 26 ans, a vu ses règles devenir irrégulières pendant plusieurs mois après son IVG, sans cause médicale identifiée. Ces somatisations traduisent souvent une élaboration psychique inachevée, où le corps « parle » à la place de l’inconscient en quête de sens.
Reconnaître le vécu corporel pour apaiser l’esprit
Plutôt que de banaliser l’avortement comme un simple acte technique, il est essentiel de laisser une place à l’écoute du ressenti corporel après l’intervention. Accepter que le corps garde une mémoire, sans dramatisation ni déni, permet de se réapproprier progressivement son image et ses sensations. Le corps n’est pas seulement un support biologique : il est le miroir sensible des traces psychiques laissées par l’histoire intime.