Psychologie

Il arrive que des personnes en détresse hésitent à consulter, ou s’excusent presque de le faire. « Ce n’est pas si grave », « je n’ai pas vécu de traumatisme », « je ne veux pas prendre la place de ceux qui souffrent vraiment ». Ce sentiment de ne pas avoir « le droit » de souffrir est largement sous-estimé. Derrière cette auto-disqualification, se joue souvent un rapport complexe à la légitimité, à la hiérarchie de la douleur, et à l’intériorisation de normes silencieuses qui décident de ce qui vaut ou non d’être exprimé.

La douleur jugée trop ordinaire

La société valorise les récits spectaculaires, les drames visibles, les souffrances extrêmes. Dans ce contexte, les malaises ordinaires — fatigue chronique, sentiment d’absurde, solitude persistante — paraissent dérisoires. Beaucoup apprennent à dissimuler ce qui ne s’exprime pas bruyamment, à intérioriser que leur douleur est “trop petite” pour être prise en compte. Ce mécanisme renforce un refoulement : on souffre, mais on se tait. On tient, mais on s’épuise. Et cette invisibilisation renforce l’isolement, parfois jusqu’au découragement.

Exemple : Camille, 41 ans, et la peur d’exagérer

Camille consulte pour la première fois après avoir longtemps hésité. Elle explique qu’elle n’a pas connu de violence ni de rupture majeure. « Ce serait indécent de dire que je vais mal », dit-elle. Pourtant, elle décrit un effacement progressif, une sensation de vivre à distance, une perte de goût. En séance, elle prend conscience que sa souffrance ne vient pas d’un événement précis, mais d’un empilement silencieux de renoncements, de petits manques jamais reconnus. Elle découvre qu’il n’est pas nécessaire de “mériter” une thérapie pour y avoir droit.

Le fantasme d’une souffrance méritoire

Beaucoup imaginent, inconsciemment, qu’il faudrait avoir une histoire exemplairement douloureuse pour être légitime à souffrir. Cette idée repose sur un fantasme de comparaison, une hiérarchisation imaginaire qui oppose la “vraie” douleur aux autres. Or la souffrance n’est pas mesurable par sa cause, mais par son effet intime. Ce fantasme d’indignité, souvent hérité d’un environnement invalidant, empêche de reconnaître sa propre vulnérabilité. Il agit comme un surmoi sévère qui interdit l’expression du manque dès lors qu’il n’est pas spectaculaire.

Pouvoir s’autoriser à exister dans sa peine

Ce que Camille découvre, c’est qu’aucune douleur n’a à être justifiée. La reconnaissance commence quand on cesse de se comparer, quand on accepte que ce que l’on vit est suffisant pour mériter d’être écouté. La thérapie devient alors un espace où l’on n’a pas besoin de convaincre, où l’on peut déposer sans prouver. Derrière le sentiment de ne pas souffrir “assez”, il y a souvent une histoire de déni intériorisé. Et reconnaître cela, c’est déjà commencer à se réparer.

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