Psychologie

Pourquoi allons-nous volontairement voir des films d’horreur, alors qu’ils nous font éprouver des affects que nous évitons dans la vie quotidienne ? Pourquoi ce plaisir paradoxal à se laisser envahir par l’angoisse, le dégoût ou la sidération ? L’expérience du spectateur face à l’horreur est profondément ambivalente : elle mêle jouissance et terreur, maîtrise et perte de contrôle. Cette dynamique a tout à voir avec le fonctionnement de l’inconscient. Regarder autrement ce plaisir de la peur, c’est comprendre comment le cinéma d’horreur réactive des mécanismes psychiques archaïques et offre, sous couvert de fiction, un espace protégé pour les éprouver.

Un espace pour les affects interdits

Le film d’horreur offre d’abord un espace ritualisé pour vivre des affects que la vie sociale réprime. Peur, excitation, agressivité, jouissance scopique trouvent là un terrain d’expression encadré. Le spectateur consent à cette expérience car il sait qu’elle est contenue par le cadre fictionnel. L’inconscient, lui, ne fait pas cette distinction : il investit pleinement l’image, réactive des peurs archaïques (perte, morcellement, annihilation), tout en jouissant de leur mise en scène. Le plaisir vient de cette double posture : se laisser envahir par l’angoisse tout en en maîtrisant les effets par la conscience du « c’est du cinéma ».

Le retour du corps morcelé

Les images d’horreur sollicitent puissamment le corps du spectateur. Elles réactivent des fantasmes liés au corps morcelé, à la perte d’intégrité, au sang, à la chair blessée. Ce retour du corps fragmenté met en jeu des angoisses infantiles profondes, souvent refoulées. Le spectateur, fasciné, oscille entre dégoût et attirance : ce qui le révulse le captive. Le cinéma d’horreur offre ici un espace de confrontation symbolique avec ces angoisses du corps, permettant au psychisme d’en éprouver la charge dans un cadre maîtrisé. Le plaisir de la peur passe ainsi par cette jubilation trouble face à ce qui menace l’unité du corps et du Moi.

Le jeu avec la toute-puissance et l’impuissance

Le film d’horreur met aussi en scène un jeu fondamental entre toute-puissance et impuissance. Le spectateur, tout en étant confronté à des figures ou des situations qui le dépassent, reste maître de son expérience. Il peut détourner les yeux, anticiper l’effroi, s’extraire mentalement du récit. Cette maîtrise apparente renforce paradoxalement le plaisir : éprouver une angoisse massive tout en conservant un pouvoir sur sa réception. Ce mécanisme rejoue des scénarios infantiles où le sujet cherchait à contrôler des affects débordants. Le film d’horreur actualise ce fantasme : affronter l’effroi tout en le tenant à distance.

Exemple : L’Exorciste, un plaisir de la peur viscéral

Dans L’Exorciste de William Friedkin, le plaisir de la peur repose sur une activation brutale de fantasmes archaïques : possession, morcellement du corps, intrusion de l’étranger dans le Moi. Le film, en montrant la dégradation physique et psychique de l’enfant possédée, met en jeu des angoisses primaires de perte d’intégrité et de défaillance de la protection parentale. Le spectateur, pris entre dégoût et fascination, se laisse envahir par ces images tout en jouissant du cadre fictionnel qui lui permet de les contenir. L’Exorciste montre ainsi comment le cinéma d’horreur, en réactivant les peurs les plus enfouies, offre paradoxalement un espace de jouissance contrôlée et de travail psychique sur l’effroi.

Quand le cinéma d’horreur nous fait travailler nos angoisses

Si le plaisir de la peur est si puissant au cinéma, c’est qu’il permet de rejouer, d’élaborer et de maîtriser des affects que la vie psychique peine à contenir. Regarder autrement les films d’horreur, c’est reconnaître qu’ils nous offrent un théâtre intérieur pour explorer nos propres zones d’ombre. Et qu’en nous confrontant à l’effroi sous une forme ritualisée, ils nous permettent aussi d’en apprivoiser, un peu, la puissance.

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