Mode ZEN
Difficulté de lecture : 3 / 5
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Dessiner ma famille et mon histoire
Lors des thérapies d'enfants et d'adolescents, il est fréquent d'utiliser le dessin comme médiateur et voie d'accès aux contenus latents. Quand l'expression verbale n'est pas suffisante ou impossible du fait d'une sidération trop grande ou d'une souffrance indicible, le dessin apporte des contenus à interpréter sur lesquels construire le processus de soin.
L'importance de l'image
Pour Lacan, l'inconscient est structuré comme un langage. A l'instar de ce qui se passe avec le rêve, il procède d'une suite d'images qui s'enchaînent avec plus ou moins de cohérence, selon les règles de l'association. Ainsi, il devient possible de coucher sur le papier les représentations qui circulent dans notre psychisme. Avec la seule consigne de se laisser aller à dessiner ce qui nous passe par la tête, le matériel mis à jour est une expression de la dynamique inconsciente. Winnicott l'a compris quand il a inventé avec ses patients la technique du squiggle (gribouillage automatique entre jeunes patients et psychothérapeute). Depuis, toutes les psychothérapies se sont emparées de ces productions. Elles sont pertinentes puisqu'elles découvre ce qui sinon serait demeuré implicite. Certains psychanalystes sont même allés jusqu'à proposer une lecture des motifs inconscients qui structurent l'œuvre de tel ou tel artiste. Dans les années 1970, c'est l'art brut qui s'est constitué sur le rapport entre fonctionnement psychique et représentation picturale.
Créer son rapport au monde
Dès lors, puisque le dessin exprime plus que la seule réalité, il est intéressant de se demander quelles images nous construisons inconsciemment d'un certain nombre de structures fondamentales : corps, famille, maison… Certains éléments des dessins obtenus rendent visibles les fantasmes en arrière-plan. Tel ou tel personnage se voit affublé d'une stature plus importante ou de caractéristiques surprenantes (dents de loup ou de vampire sur le père, mère avec un bébé dans le ventre, oubli du petit frère, …). Ces "actes manqués", ces "oublis" ou "mots d'esprit" graphiques révèlent l'inconscient du dessinateur et montrent l'organisation de sa structure psychique. Dans un certain nombre de cas, c'est d'ailleurs la poussée inconsciente qui le pousse à s'exprimer selon la méthode de création qui lui est la plus familière. Les personnes douées d'un don sont en fait des sujets qui sous la contrainte de leur psychisme ont mis en place une catharsis spécifique. L'œuvre soutient son créateur et vient stabiliser son psychisme. C'est évident lorsque les artistes indiquent comment leur art les a sauvés. Il a donné une direction à leurs pulsions qui sans quoi les auraient submergés.
La famille, un sujet de création très particulier
Lorsque nous dessinons notre famille, nous donnons corps aux fantasmes qui recouvrent chacun de ses membres réels. Nous sommes finalement peu en lien avec nos parents réels mais bien plus avec l'image que nous nous en sommes faits. Découvrir comment nous modifions la réalité est riche d'apprentissages. Nous sommes révélés à nous-mêmes. A la manière dont nous nous découvrons en psychanalyse, nous prenons conscience avec le dessin de notre désir dans ses effets de transformation. Ainsi, c'est dans la comparaison entre représentation et réalité que nous saisissons le plus clairement la distorsion induite par notre psychisme. En négatif, c'est le fonctionnement psychique qui s'en éclaire. En fonction des problématiques dans lesquelles nous sommes pris, tel détail ou telle modification deviendra prégnante. Par exemple, une représentation masculine blessée ou une mère toute-puissante lors de la période oedipienne.
L'art-thérapie, un processus complémentaire de la psychothérapie
L'art-thérapie est construite sur cette découverte du lien entre processus créatif et fonctionnement psychique. Elle est une excellente adjointe des psychothérapies plus traditionnelles qu'elle nourrit. Souvent, nous peinons à trouver des matériaux à travailler en analyse. C'est un effet de la résistance au traitement si bien décrite par Freud. Produire en parallèle du travail analytique est de nature à apporter des contenus qui pourront par la suite y être interprétés et mis en mots. D'ailleurs, les psychothérapies manifestent un intérêt pour toutes les productions psychiques. Les sculptures, peintures, dessins y sont considérés comme des langages. Or l'existence d'un langage rend possible la formulation d'une interprétation. Pour la psychanalyse, c'est sur elle que repose la résolution des complexes pathogènes et les souffrances qui y sont associées.