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La défiance des français vis-à-vis des hommes politiques
Au fil des années, le sentiment de méfiance des français envers les politiques s’est considérablement accentué : témoignages, enquêtes d’opinion et autres taux d’abstention électoraux le prouvent régulièrement.
Une méfiance fort ancienne et globale
Contrairement à une idée populaire, la défiance des français vis-à-vis de leurs politiques n’est pas récente : voici bientôt 30 ans que ce sentiment est au centre de débats, de colloques et de recherches dès plus sérieuses.
Il faut dire que l’enjeu est de taille puisque la méfiance entraine résistance et immobilisme. Lorsqu’elle touche aux relations entre les citoyens et leurs dirigeants, elle se transforme en un sentiment de manipulation, c’est-à-dire en l’impression que l’on tente de pousser un sujet à prendre une décision ou à agir contre ses propres intérêts.
Pour autant, cette absence de confiance entre les français et leurs responsables politiques doit être relativisée notamment lorsque l’on s’intéresse aux relations générales des français envers autrui. Une enquête récente d’IPSOS révèle en effet que 78% d’entre nous pensent que l’on n’est jamais assez prudent lorsque l’on a affaire aux autres… Par ailleurs, nous sommes une très grande majorité à relever de ce que l’on appelle ‘le pessimisme’ : les enquêtes réalisées dans le cadre de l’Eurobaromètre placent en effet la France au 4ème et 5ème rang des pays les plus pessimistes de l’Union Européenne en 1998 et 1999…
Sentiment d’impuissance et perte de contrôle
Le concept de ‘locus of control’ fut introduit en psychologie sociale par Julian Rotter (1954). Il correspond au trait de personnalité consistant à attribuer des évènements (ou résultats) à des causes externes (l’environnement économique, les décisions politiques…) ou à des causes internes (‘je n’étais pas assez motivé’, ‘je n’ai pas fait assez d’études’…). Les recherches ont démontré que plus le locus of control était interne, plus la confiance en soi et en l’avenir était bon et vice et versa.
Les changements sociétaux et politiques de ces dernières années ont tous participé à un sentiment d’éloignement des sphères décisionnelles : mondialisation, construction de l’Europe économique et désormais politique, accroissement des écarts de richesses ou encore des niveaux d’étude (pensons au nombre alarmant d’enfants sortant du système scolaire sans diplôme ou encore sans savoir ni lire ni écrire versus le chiffre de plus en plus élevé de hauts diplômés), construction d’entreprises gigantesques dans lesquelles les ‘patrons’ sont à des milliers de km… Tous ces facteurs renvoient aux français l’image d’une distanciation massive entre eux-mêmes et ceux qui ont le pouvoir, créant ainsi un sentiment d’impuissance et de perte de contrôle sur sa propre vie.
La crise de l’efficience
Si les français s’intéressent aux hommes politiques, c’est parce qu’ils ont espoir qu’ils seront en capacité de défendre leurs intérêts et ceux de leur pays mais aussi qu’ils pourront améliorer leurs conditions de vie. Ils attendent donc d’eux qu’ils transforment un réel qu’ils considèrent comme insatisfaisant : une motivation que les politiques ont bien compris et qu’ils exploitent au travers des fameuses promesses électorales.
Pour autant, ce que les français ont eux-aussi bien compris et qui génèrent des frustrations des plus intenses, c’est que les politiques sont souvent incapables de changer ce réel (pensons à l’insécurité ou au chômage); ce qui ne les empêche pas, à des fins électorales, de prétendre pouvoir le faire. De cet état de fait ne peut résulter que deux conclusions : soit les politiques sont sans pouvoir (et alors pourquoi s’y intéresser), soit ils mentent sciemment pour leurs propres intérêts (et alors il faut s’en méfier).
A ces éléments, il faut ajouter les phénomènes entourant l’imaginaire de la décadence, lequel consiste à juger la société en déclin et que, quel que soit le dirigeant en place, « on vivait mieux avant ». Repris par les politiques, ce sentiment est pourtant tout à fait récurrent et concerne généralement les personnes relativement âgées, lesquelles avec le temps, constatent de plus en plus de changements dans le quotidien et perdent progressivement leurs capacités à s’y adapter : un constat s’il en est, tout à fait pertinent, ce qui n’est certes pas le cas de l’instrumentalisation qu’en font les politiques…