Devenir parent : quand l’enfant réel confronte l’enfant imaginaire

Avant même sa naissance, l’enfant existe déjà dans l’esprit de ses parents sous la forme d’un être rêvé, idéalisé, façonné par les désirs, les peurs et les projections inconscientes. Devenir parent, c’est aussi vivre la confrontation entre cet enfant imaginaire et l’enfant réel, celui qui arrive avec son propre tempérament, ses limites, et surtout son altérité. Ce décalage, inévitable, peut être source de surprise, de frustration mais aussi d’une profonde remise en question du parent.
L’enfant imaginé : un miroir des désirs parentaux
Pendant la grossesse ou même bien avant, les parents construisent inconsciemment une image de leur futur enfant. Cet enfant fantasmé porte souvent les espoirs, les réparations ou les idéaux des parents, sans qu’ils en aient pleinement conscience. Par exemple, un parent ayant souffert d’isolement dans son enfance pourra rêver d’un enfant sociable et charismatique, projetant sur lui ce qu’il aurait voulu être.
La rencontre avec l’enfant réel : une expérience de décalage
Lorsque l’enfant grandit, ses traits de caractère apparaissent et viennent parfois contredire les attentes inconscientes. Découvrir un enfant réservé quand on rêvait d’un enfant expansif peut générer une déception silencieuse, difficile à admettre. Ce choc entre l’attendu et le réel oblige le parent à renoncer à certaines illusions pour accueillir l’enfant tel qu’il est, et non tel qu’il était imaginé.
La difficulté d’accepter l’altérité de son propre enfant
Accepter que son enfant ne soit pas le prolongement de ses désirs demande un véritable travail psychique. Certains parents, sans s’en rendre compte, tentent d’ajuster l’enfant à leur fantasme initial, en l’encourageant systématiquement à adopter des comportements en décalage avec sa nature profonde. C’est le cas de ce père passionné de sport qui pousse son fils à s’inscrire à toutes sortes d’activités physiques, malgré le désintérêt manifeste de l’enfant pour cette voie.
Quand l’enfant devient porteur d’un projet parental
Il arrive que l’enfant soit inconsciemment chargé de « réussir là où le parent a échoué ». Cette projection transforme l’enfant en dépositaire d’un destin qui n’est pas le sien, comme cette mère qui rêve que sa fille devienne médecin, métier qu’elle-même n’a pas pu exercer, ignorant les aspirations artistiques de l’enfant. Ce poids invisible peut générer chez l’enfant une forme de mal-être ou de rébellion.
Accueillir l’enfant réel : un renoncement fertile
La parentalité authentique commence là où le parent accepte de laisser mourir l’enfant imaginaire. Renoncer à ses projections permet d’ouvrir un espace où l’enfant peut se déployer selon sa propre trajectoire, libéré des attentes silencieuses. Ce renoncement n’est pas une défaite, mais une rencontre véritable avec l’altérité, où le parent cesse de voir son enfant comme un reflet de lui-même.