Psychologie

Jamais l’information n’a été aussi accessible, immédiate, omniprésente. Du réveil au coucher, elle s’infiltre dans nos gestes quotidiens, au creux des applications, des alertes, des flux. Ce qui pouvait autrefois être évité ou différé s’impose désormais à toute heure, sous toutes ses formes. Cette surabondance, loin de renforcer la connaissance ou la lucidité, engendre un nouveau type d’épuisement : une fatigue de l’attention, une lassitude mentale, un bruit de fond qui rend de plus en plus difficile le recul, la hiérarchisation et le silence intérieur.

Une présence continue qui empêche de penser

Chaque geste numérique ouvre sur une infinité de contenus : titres d’actualité, vidéos courtes, graphiques explicatifs, commentaires d’experts. Ce flot permanent empêche l’esprit de se déposer, et produit une agitation cognitive permanente. Même dans les moments de pause, l’information s’invite. Sur les réseaux sociaux, l’actualité s’infiltre entre deux photos de vacances, via une story, une tendance, une vidéo virale. Le rapport au monde devient discontinu, dominé par des éclats d’émotion, des fragments de gravité, sans fil conducteur. À long terme, cette stimulation constante ne renforce pas la compréhension mais fragilise l’attention. L’esprit sursollicité s’épuise à trier, sans jamais vraiment assimiler.

Une disponibilité mentale réduite à néant

Cette fatigue ne se limite pas au contenu : elle tient aussi à la forme, à la temporalité, au rythme. L’injonction à la réactivité, à l’instantanéité, transforme l’information en urgence. La moindre actualité devient notification. En quelques secondes, elle exige un avis, une réaction, un partage. Cette pression constante génère une tension de fond, souvent imperceptible mais durable. Une cadre interrogée dans une étude sur les usages numériques avoue lire les titres en diagonale, dans un état de stress, tout en culpabilisant de ne « pas être informée ». Ce paradoxe — être saturée de données tout en se sentant mal informée — est un marqueur typique de l’hyperconnexion : on lit sans retenir, on suit sans comprendre, on sature sans maîtriser.

Une mémoire et un lien au monde altérés

Loin de favoriser une meilleure relation à la réalité, cette surinformation finit par la rendre floue. L’accumulation de contenus réduit la capacité à construire un récit intérieur stable, à mémoriser, à faire sens. Une enquête menée auprès d’étudiants révèle qu’au bout de quelques jours, seuls 10 à 15 % des sujets d’actualité lus en ligne sont retenus de manière claire. Ce n’est pas un déficit d’intelligence, mais une conséquence de la surcharge. L’information perd sa densité au profit de la fréquence. Ce changement modifie aussi le lien que chacun entretient avec le monde : moins enraciné, plus réactif, plus émotif, et souvent plus passif. On reçoit sans choisir, on subit sans se retirer.

Un besoin urgent de lenteur et de sélection

Face à cette fatigue, la solution n’est pas de tout couper, mais de repenser le rythme, le rapport, les filtres. Se réapproprier l’information, c’est accepter de ne pas tout suivre, de manquer des choses, de relire plutôt que d’absorber. Cette sobriété cognitive n’est pas une fuite, mais une stratégie de résistance. Elle suppose de recréer des temps de lecture profonde, de restaurer le droit à la non-réaction, à la déconnexion choisie. Dans un monde où l’information est devenue un bruit de fond, retrouver du sens implique aussi de retrouver du vide.

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