Le rôle des médias dans la montée du populisme

La montée en puissance des figures populistes n’est pas uniquement liée aux fractures sociales ou à la défiance envers les institutions. Elle s’ancre aussi dans un écosystème médiatique qui, volontairement ou non, participe à rendre visibles, audibles et crédibles des discours simplificateurs et polarisants. Chaînes d’information continue, réseaux sociaux, talk-shows politiques : le populisme trouve aujourd’hui ses relais bien au-delà des partis.
Le direct permanent, terreau de l’émotion
Le développement des chaînes d’information en continu a transformé le rapport au politique. La logique du direct impose une réactivité constante, une simplification des enjeux et une dramatisation des faits. Dans ce cadre, les personnalités populistes s’adaptent parfaitement : elles proposent des formules-chocs, des récits émotionnels, des coupables clairs. Le débat devient théâtre, et l’indignation se substitue à l’analyse. La course à l’audience prime sur la rigueur, ce qui favorise les profils capables de générer du bruit, plutôt que ceux porteurs de complexité.
Les réseaux sociaux, amplificateurs du simplisme
Sur les réseaux, la viralité dépend plus de l’impact affectif que de la véracité des propos. Les logiques algorithmiques récompensent les contenus clivants, les polémiques, les raccourcis. Dans cet environnement, les figures populistes excellent à imposer leurs récits : mise en scène de l’authenticité, dénonciation des élites, victimisation calculée. Les plateformes deviennent alors des espaces de contournement des médias traditionnels, mais aussi de renforcement des croyances existantes. On ne débat plus : on partage, on réagit, on s’agrège autour d’identités opposées.
La spectacularisation comme stratégie médiatique
La personnalisation du discours politique, encouragée par les formats télévisés, participe aussi à faire du populisme une affaire de style autant que de fond. L’image compte plus que l’argument : regards caméra, postures viriles, apartés off scénarisés. Les plateaux télévisés deviennent des arènes où il faut marquer, frapper, déranger. Le populisme, qui joue sur la transgression, y gagne une légitimité paradoxale : il est critiqué tout en étant constamment exposé. L’indignation médiatique devient ainsi l’un de ses carburants les plus sûrs.
Des contre-pouvoirs à repenser
Face à cette dynamique, la question n’est pas de censurer mais de réinventer les conditions d’un espace public plus exigeant. Cela implique de ralentir le rythme, de contextualiser les paroles, d’offrir des formats où la nuance peut émerger. Les journalistes portent une responsabilité : non pas dans le surgissement du populisme, mais dans sa normalisation. Refuser les mises en scène convenues, diversifier les sources, et redonner place aux voix inaudibles, c’est reprendre le pouvoir sur l’agenda médiatique. Et, peut-être, redonner du souffle au débat démocratique.