Psychologie

Le populisme ne se contente pas d’agiter le présent ou de promettre un avenir radicalement différent. Il s’enracine souvent dans une relecture du passé, un passé recomposé, idéalisé, parfois mythifié, qui sert de socle émotionnel et identitaire. Cette mobilisation sélective de la mémoire collective est l’un de ses outils les plus puissants, car elle légitime le rejet, trace une frontière entre « eux » et « nous », et nourrit l’illusion d’un retour possible à un âge d’or.

La nostalgie comme levier d’adhésion

Le discours populiste fait fréquemment appel à une mémoire affective, épurée des conflits et des nuances historiques. Il ne s’agit pas d’enseigner le passé, mais de l’évoquer comme une ressource symbolique, une preuve de grandeur perdue. Le « c’était mieux avant » devient un slogan implicite, voire un fondement idéologique. En France, cela peut passer par l’exaltation des Trente Glorieuses, d’une souveraineté nationale sans entrave ou d’une homogénéité culturelle supposée. Cette nostalgie structurée fonctionne comme un antidote à l’insécurité contemporaine : si l’avenir inquiète, alors le passé devient refuge.

Une histoire instrumentalisée

La mémoire collective n’est jamais neutre, mais le populisme la pousse à l’extrême en transformant l’histoire en arme rhétorique. Des événements sont tronqués, d’autres oubliés, certains exagérés. L’objectif n’est pas la cohérence historique, mais la construction d’un récit mobilisateur. Quand une figure politique invoque Jeanne d’Arc ou De Gaulle sans nuance, ce n’est pas pour débattre d’histoire, mais pour s’inscrire dans une filiation légitime et émotionnellement chargée. Le passé devient un outil de légitimation du présent, au détriment de sa complexité réelle.

Mémoire contre pluralité

Le danger de cette instrumentalisation mémorielle, c’est qu’elle efface les mémoires concurrentes, les récits minoritaires, les tensions constitutives d’une nation. En prétendant incarner la « vraie » mémoire du peuple, le populisme marginalise les autres expériences historiques : celles des immigrés, des colonisés, des opposants. Il installe une mémoire unique là où il faudrait une mémoire plurielle, traversée par les conflits, les contradictions et les oublis assumés. Cette fermeture du récit national nourrit une crispation identitaire, qui transforme la mémoire en frontière.

Rétablir un rapport critique au passé

Pour répondre à cette captation politique de la mémoire, il ne suffit pas de dénoncer la falsification. Il faut offrir un récit alternatif, ouvert, complexe, capable d’inclure les conflits sans les figer. Enseigner l’histoire comme champ de tensions, transmettre les silences autant que les faits, reconnaître que le passé n’est jamais clos, c’est rouvrir un espace démocratique de réflexion collective. Le populisme prospère sur une mémoire figée. La démocratie, elle, suppose une mémoire en mouvement.

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