Réunions insupportables : ce que le collectif réveille en nous

Beaucoup déclarent « ne pas aimer les réunions ». Trop longues, peu efficaces, envahies de paroles inutiles. Mais pour certaines personnes, ce rejet est plus radical, presque physique. Derrière le prétexte de l’inefficacité se cache parfois une difficulté bien plus profonde : celle de supporter la mise en commun, le regard du groupe, l’exposition au lien collectif. La réunion devient alors un espace de tension intérieure, difficile à nommer mais éprouvante à vivre.
La réunion comme scène psychique
Assister à une réunion, c’est occuper une place visible, parler devant les autres, écouter, attendre, subir parfois. Cette situation, apparemment banale, réactive souvent des enjeux inconscients liés à la place, à la reconnaissance, à la peur du jugement ou à l’effacement. Le tour de table devient une scène d’angoisse, le silence un lieu de doute, l’ennui une protection contre l’engagement. Ce n’est pas la réunion elle-même qui est insupportable, mais ce qu’elle active chez celles et ceux qui la vivent comme une épreuve.
Le collectif comme lieu de menace
Pour certains, le groupe n’est pas un soutien, mais un danger latent. Le collectif est vécu comme une masse qui absorbe, juge, ou ignore. La réunion cristallise alors un rapport ancien au groupe, parfois hérité d’une expérience scolaire, familiale ou professionnelle marquante. La prise de parole devient risquée, l’écoute difficile, la simple présence pénible. L’individu ne peut s’ajuster au rythme de l’ensemble. Ce rejet du cadre collectif peut masquer une hypersensibilité relationnelle, une difficulté à se sentir contenu sans se sentir envahi.
L’exemple d’Anne : se taire pour ne pas exister
Anne, 42 ans, cadre dans un grand établissement culturel, évite autant que possible les réunions d’équipe. Elle dit s’y ennuyer, ne rien y apprendre, mais reconnaît se sentir “à côté” dès qu’elle entre dans la salle. En séance, elle évoque un sentiment de gêne dès qu’elle doit s’exprimer, une peur de dire une banalité ou d’être perçue comme “trop envahissante”. En creusant, elle associe cette gêne à une scolarité marquée par la peur du ridicule et une famille où l’on parlait peu. Ce qu’elle fuit dans la réunion, ce n’est pas l’inefficacité : c’est le risque d’exister dans le regard de l’autre.
Transformer la posture intérieure
Détester les réunions ne relève pas toujours d’un problème d’organisation. C’est parfois un symptôme de l’impossibilité à occuper une place symbolique dans le groupe sans s’effondrer ou se rigidifier. Reconnaître cette souffrance permet de ne plus réduire l’enjeu à un détail technique. Le travail intérieur peut alors viser à rétablir une capacité de présence, une fluidité dans la parole, un sentiment d’existence supportable au sein du collectif. Car ce n’est pas toujours la réunion qu’il faut fuir : c’est l’angoisse qu’elle met au jour.