Psychologie

Certaines personnes se rendent toujours disponibles au travail. Elles répondent à toute demande, restent tard, acceptent les imprévus sans broncher. Cette posture est souvent perçue comme de la rigueur ou de la loyauté. Pourtant, chez certaines, cette disponibilité permanente ne relève pas uniquement du sens du devoir, mais d’un besoin plus profond : celui d’être aimé, validé, indispensable. Ce qui semble une conscience professionnelle est parfois une stratégie inconsciente pour éviter le rejet, maintenir le lien et contrôler l’image que l’on donne.

Le don de soi comme condition d’acceptation

Derrière cette attitude, on trouve souvent une histoire où la valeur personnelle était conditionnée par l’utilité. Être aimé passait par le service rendu, la bonne volonté, le silence face à l’effort. Dans ce schéma, la disponibilité devient une monnaie d’échange pour garder sa place dans le lien. Refuser une tâche, poser une limite, décevoir une attente sont vécus comme des risques de rupture. Le travail devient alors un terrain de réparation, où il faut être sans faille, partout, tout le temps, pour ne pas raviver une peur plus ancienne : celle de ne pas compter si l’on ne donne pas tout.

Exemple : Claire, présente jusqu’à l’effacement

Claire, 40 ans, est cheffe de projet dans une agence de communication. Réactive, impliquée, rassurante, elle incarne le soutien parfait. Mais elle souffre de fatigue chronique, d’une impression de ne jamais en faire assez, et d’un sentiment de solitude grandissant. En thérapie, elle parle d’une mère fragile, à laquelle elle devait “éviter les problèmes”. Claire a appris très tôt que sa valeur venait de sa capacité à soulager l’autre. Aujourd’hui, sa disponibilité sans limites au travail prolonge ce rôle : elle évite la confrontation, s’efface derrière les besoins de l’équipe, et finit par ne plus exister en dehors de ce dévouement.

L’image du dévouement contre la peur du rejet

Cette posture s’ancre dans une logique paradoxale : plus on se rend disponible, plus on espère être reconnu, mais moins on est perçu dans sa singularité. On devient une fonction, un appui, un rouage fiable, mais rarement une personne qu’on écoute ou qu’on considère pour ce qu’elle est. À long terme, cette invisibilité consentie alimente la frustration et le ressentiment. L’estime de soi s’épuise, car elle dépend intégralement du retour de l’autre. Pourtant, poser une limite ne signifie pas se couper du lien : c’est souvent le moyen de le rendre plus juste, moins conditionnel.

Réapprendre à se rendre indisponible

Sortir de ce schéma suppose de tolérer que l’on puisse déplaire sans perdre sa place, poser une limite sans être abandonnée. Cela demande une reconnaissance intérieure : celle de sa propre valeur, indépendamment de ce que l’on donne. La disponibilité devient alors un choix, non une condition. Elle cesse d’être une stratégie pour devenir une modalité de lien, assumée et réversible. C’est à ce prix que l’engagement professionnel peut retrouver sa justesse, et que la personne peut cesser de confondre l’amour reçu avec la fonction qu’elle remplit.

Trouver un psy