Psychologie

Certaines remarques, pourtant banales, produisent un effet inattendu. Un commentaire léger sur un détail, une remarque ironique ou un simple regard surpris peuvent suffire à déclencher un malaise persistant. Dans les interactions professionnelles, où les mots circulent sans toujours être pesés, il arrive que des paroles apparemment inoffensives activent des résonances bien plus profondes, liées non à l’échange présent mais à une mémoire enfouie. Ce n’est pas tant ce qui est dit qui fait mal, que ce qu’il réveille.

Quand la critique réactive une honte ancienne

Un reproche voilé, une remarque sur une manière de faire ou une hésitation peuvent atteindre de manière disproportionnée. Ce n’est pas la sévérité objective du propos qui fait souffrir, mais le point qu’il touche sans le savoir. Certaines personnes portent en elles des zones de honte anciennes, liées à des expériences d’humiliation, d’insécurité ou de non-reconnaissance. Une parole anodine peut faire affleurer cette douleur, non par sa violence, mais par sa proximité avec un souvenir de disqualification antérieure. La souffrance est alors silencieuse, difficile à expliquer, souvent jugée excessive par l’entourage.

Exemple : Clémence, figée après une remarque

Clémence, 29 ans, travaille dans une agence de design. Lors d’une réunion, un collègue fait une remarque sur son usage “trop littéraire” du langage. L’ensemble du groupe rit. Clémence sourit, mais ne parle plus de la réunion. Pendant plusieurs jours, elle se sent figée, évite les échanges. En séance, elle évoque des souvenirs d’enfance où ses formulations précieuses étaient moquées par ses frères. Cette remarque anodine, dans un cadre professionnel, a réveillé une honte ancienne : celle d’être “trop” pour être acceptée, trop marquée, trop visible, trop différente. Le malaise ne vient pas du présent, mais de ce qu’il réactualise.

Une faille intime, mal identifiée

Ce type de résonance est souvent mal compris, y compris par la personne qui la vit. Elle peut se juger “trop sensible”, chercher à rationaliser, ou tenter d’oublier, sans que cela apaise réellement le trouble. La douleur ressentie est celle d’un affect ancien qui trouve dans l’ici et maintenant une scène pour se rejouer. Ce n’est pas un signe de fragilité, mais l’indice d’un lieu psychique encore ouvert. Et tant que cette faille reste inconsciente, toute parole un peu vive risque d’y plonger, même involontairement. Le travail ne consiste pas à devenir imperméable, mais à reconnaître ce qui se joue à travers l’autre.

Se redonner le droit de réagir

Reconnaître la blessure ancienne, c’est se redonner la possibilité de poser des mots sur ce qui a été trop vite enterré. Cela permet de ne plus confondre l’interlocuteur actuel avec les figures anciennes qui ont blessé. La parole d’un collègue cesse alors d’avoir un effet de vérité : elle devient un point de vue, une proposition. La critique perd son pouvoir d’effondrement. Il devient possible de répondre, de nuancer, ou de s’éloigner sans honte. Ce n’est pas l’épaisseur de la peau qu’il faut renforcer, mais la compréhension des cicatrices qu’elle recouvre.

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