Prendre soin de son corps, c’est aussi prendre soin de son histoire

On parle souvent du corps comme d’un outil, une machine à entretenir ou un support à maîtriser. Pourtant, pour beaucoup, le corps n’est pas qu’un ensemble de muscles et d’organes : c’est aussi un lieu de mémoire. Il garde les traces des gestes retenus, des mots tus, des émotions non exprimées. Et si masser une nuque tendue ou détendre un dos contracté revenait à délier une part oubliée de son histoire ?
Le corps n’oublie rien
Certaines douleurs sont persistantes, récurrentes, sans cause médicale claire. Ce ne sont pas des inventions, mais des manifestations corporelles de ce qui n’a pas pu se dire autrement. Le corps absorbe les conflits, les chocs, les silences, et les transforme en tensions. Ces zones raides, douloureuses, souvent situées au niveau du dos, de la nuque ou de la mâchoire, ne sont pas neutres : elles sont l’expression d’un refoulé affectif qui n’a jamais trouvé de traduction symbolique.
Le soin corporel comme traduction
Un massage, s’il est pratiqué avec lenteur, respect et attention, ne fait pas que relâcher des muscles. Il invite aussi à ressentir là où l’on avait cessé de sentir. Ce retour à la sensation n’est pas toujours confortable : il peut réveiller des émotions oubliées, une tristesse ancienne, une colère longtemps contenue. Ce n’est pas une régression, mais une libération. En relâchant ce que le corps a gardé, on commence parfois à se réapproprier ce qu’on avait dû taire.
L’exemple de Chloé, un corps resté en défense
Chloé, 41 ans, souffrait de douleurs cervicales chroniques malgré des examens normaux. Elle vivait avec cette tension comme avec une seconde peau. Lors d’un massage thérapeutique, la praticienne lui fait remarquer que sa nuque “résiste”. Elle éclate en sanglots sans comprendre pourquoi. C’est plus tard, en en parlant, qu’elle relie cette réaction à une période de sa vie où elle avait dû “tenir” pour tout le monde, sans jamais plier. Ce jour-là, elle n’a pas seulement détendu un muscle, elle a desserré une posture identitaire.
Un soin qui touche plus que la peau
Prendre soin de son corps, c’est parfois recontacter une part oubliée de soi. Ce n’est pas qu’une démarche esthétique ou fonctionnelle, c’est une manière de dire à son histoire : « Je t’entends. » En relâchant les tensions, on crée un espace intérieur plus habitable, où les émotions peuvent circuler autrement. Ce processus n’est ni spectaculaire ni immédiat, mais il peut transformer en profondeur la relation que l’on entretient avec soi.