Psychologie

L’aide, en amitié, est un geste attendu, valorisé, presque sacralisé. Offrir son écoute, son temps, ses conseils : autant de marques de loyauté affective. Mais derrière certaines formes d’aide se cache un pouvoir plus trouble, moins visible. Il arrive que l’aide serve moins à soutenir qu’à garder l’autre en position d’infériorité. Ce qui se présente comme une présence bienveillante peut devenir un levier de contrôle, une manière subtile de dominer l’autre au nom du lien.

Aider pour garder l’ascendant

Dans certains liens, le fait d’être celui ou celle qui aide installe une hiérarchie implicite. L’aidant devient le pilier, le centre, celui sans qui l’autre ne tiendrait pas. Ce positionnement peut renforcer l’estime de soi, tout en maintenant l’ami dans une forme de dépendance affective. L’autre n’est plus un égal, mais un « à charge ». Il n’est jamais vraiment encouragé à aller mieux, car son mieux-être menacerait l’équilibre du lien. L’aidant inconscient préfère un ami fragile, car cette fragilité garantit son propre pouvoir.

Le soutien comme contrôle dissimulé

L’aide toxique ne s’exprime pas par des ordres, mais par des gestes saturés : trop de conseils, trop de présence, trop d’interprétations. L’ami aidé n’a plus d’espace pour se penser seul, pour décider, pour se tromper. L’autre sait ce qui est bon, ce qu’il faut faire, ce qui serait « mieux pour toi ». Ce savoir affectif, au lieu d’émanciper, enferme. Ce qui se joue alors n’est plus une relation de soutien, mais une mise sous tutelle affective. L’amitié devient un territoire balisé par la dette : « après tout ce que j’ai fait pour toi ».

L’exemple de Claire et Pauline : sous l’aide, la dépendance

Pauline, 32 ans, traverse une séparation difficile. Son amie Claire, très investie, l’appelle quotidiennement, propose son aide, prend en charge les démarches. Au début, Pauline s’en remet à elle. Mais peu à peu, elle se sent incapable de faire un choix sans validation. Claire critique ses hésitations, décide à sa place, exprime une inquiétude constante. En thérapie, Pauline prend conscience que l’aide reçue s’est transformée en dépendance. Claire, de son côté, comprend que cette position lui permettait de se sentir indispensable, et donc aimée, sans condition.

Soutenir sans soumettre : l’espace de l’aide juste

L’amitié véritable suppose de savoir soutenir l’autre sans l’entraver. L’aide juste est celle qui laisse la place à l’autre d’exister, de choisir, de se relever à son rythme. Elle ne cherche pas à prouver, ni à faire valoir une supériorité morale. Elle accueille, propose, respecte. Lorsque l’on se surprend à aider pour être reconnu, ou à rappeler ce que l’on a fait, il est temps d’interroger ce que ce geste d’aide contient de besoin, de pouvoir, de peur. Car parfois, le plus grand service qu’on puisse rendre à l’autre, c’est de le laisser faire seul.

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