Avoir besoin d’un psy “qui parle” : peur du vide ou désir de guidance ?

Certaines personnes cherchent, dès la prise de contact, un psy “qui parle”. Pas un thérapeute trop silencieux, pas un analyste discret, mais quelqu’un qui réagit, qui formule, qui accompagne par la parole. Ce souhait, légitime en apparence, n’est jamais totalement neutre : il dit souvent quelque chose de la manière dont le sujet se situe face à l’espace vide de l’écoute, à l’absence de direction explicite, à la liberté angoissante de parler sans être cadré. Dans ce désir de parole du psy, se mêlent quête de soutien, peur du désengagement et parfois une attente de réponses là où il faudrait d’abord entendre ce qui surgit.
La parole du psy comme point d’appui rassurant
Un psy qui parle donne des signes de présence. Il pose des mots, renvoie des formulations, propose parfois des hypothèses. Pour certaines personnes, ce type d’engagement verbal est vécu comme une preuve d’attention, une façon de ne pas être abandonné dans le flux du discours. Le silence peut être vécu comme un désintérêt, une mise à distance, voire une forme d’indifférence. Ce besoin de réassurance par la parole ne traduit pas un caprice, mais un rapport ancien au lien : quand l’autre ne parlait pas, cela signifiait qu’il n’était pas là, ou qu’il ne comprenait pas. Dès lors, le mutisme devient insupportable.
Exemple : attendre une réponse pour ne pas se perdre
Isabelle, 40 ans, raconte avoir quitté un premier psy parce qu’il « restait trop silencieux ». Elle se sentait livrée à elle-même, voire abandonnée. Lorsqu’elle commence une nouvelle thérapie avec un professionnel plus loquace, elle se sent d’abord soulagée. Mais au fil des séances, elle remarque qu’elle parle surtout pour obtenir une réaction, pour “faire dire quelque chose” à l’autre. Ce qu’elle attend, ce n’est pas tant une réponse que la confirmation de son existence. Le silence l’angoisse, car il réactive en elle une peur archaïque de se dissoudre sans le regard de l’autre.
Le besoin de guidance face à l’inconnu intérieur
Demander un psy “qui parle”, c’est parfois souhaiter qu’il éclaire ce que l’on ne comprend pas, qu’il guide à travers l’opacité de son propre discours. Cela peut être pertinent à certains moments du travail, notamment lorsque le chaos intérieur est trop grand pour qu’une élaboration puisse émerger. Mais lorsque cette attente devient systématique, elle empêche la surprise, l’errance féconde, l’apparition de quelque chose de nouveau dans le discours. Elle traduit une difficulté à tolérer la lenteur du travail psychique, le non-savoir, l’absence de maîtrise. Or, c’est justement dans ce vide que peuvent surgir les matériaux inconscients les plus féconds.
Trouver un équilibre entre présence et retrait
Un psy ne parle ni trop, ni trop peu. Il parle lorsqu’un mot peut ouvrir, soutenir, déplier, mais pas pour remplir ou apaiser artificiellement. Isabelle, en travaillant sur sa peur du vide relationnel, découvre que certains silences sont pleins. Elle commence à ne plus attendre systématiquement une réaction. Elle écoute ses propres mots, perçoit leur poids, leur flottement. Ce n’est plus au psy de combler, mais à elle de risquer quelque chose dans la parole. Un psy qui parle peut soutenir — mais s’il parle trop, il peut aussi couvrir. Le vrai repère, c’est ce qui se passe dans l’espace entre les mots.