Psychologie

Les fantômes de l’abandon, du rejet ou de l’humiliation à l’ère numérique.

On pense parfois que le passé est derrière soi, que l’histoire affective est close, digérée, intégrée. Et pourtant, dans l’espace apparemment neutre des applis de rencontre, certaines blessures enfouies réapparaissent avec une acuité troublante. Ce n’est pas le présent qui fait mal, mais ce qu’il réactive ; un mot sans réponse, un match sans suite, un silence brutal suffisent à raviver ce qui semblait apaisé.

Le rejet numérique comme répétition

Ne pas être “liké”, être ghosté, subir une disparition soudaine ; ces micro-expériences, banales en apparence, touchent parfois des zones très archaïques. Elles rejouent des scénarios plus anciens où l’on ne s’est pas senti choisi, pas assez aimé, pas suffisamment important. Ce n’est pas l’autre qui fait souffrir, mais la blessure originelle qu’il vient frôler.

Une mise en scène du passé dans le présent

Les applis fonctionnent comme des scènes projectives : on y rejoue, souvent sans le savoir, des fragments de notre histoire affective. Ce que l’on attend de l’autre, c’est parfois une réparation muette d’une douleur ancienne. On veut être vu, entendu, reconnu là où l’on a été ignoré ou délaissé. Et quand cela échoue, la douleur ressentie est disproportionnée car elle excède le présent.

L’illusion de contrôler la blessure

En choisissant, en swipant, en sélectionnant, on croit maîtriser le processus de la rencontre. Mais cette illusion de contrôle masque une angoisse plus profonde : celle d’être à nouveau rejeté, sans l’avoir vu venir. L’appli devient alors un espace de répétition défensive, où l’on tente de conjurer la douleur passée en la rejouant selon ses propres règles… mais sans jamais vraiment l’annuler.

Des profils qui réactivent nos zones sensibles

On ne tombe pas par hasard sur certains types de profils, ni sur certains types d’interactions. Ce qui nous attire peut aussi être ce qui nous blesse : une froideur familière, une distance connue, un effacement redouté. Le passé agit en coulisse, modelant notre appétence comme notre fragilité. Ce que l’on cherche n’est pas seulement un autre, mais une réparation silencieuse.

Du présent comme chance de réécriture

Prendre conscience de ces répétitions n’est pas une condamnation. Au contraire, c’est la possibilité d’en faire autre chose, de transformer un automatisme en choix. Le passé, s’il revient, peut aussi être réécrit à la lumière d’un regard plus conscient. Encore faut-il accepter de ne plus réduire la douleur actuelle à un échec personnel, mais d’y lire une mémoire à écouter.

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