L’angoisse de séparation : apprendre à être soi sans perdre l’autre

Vers huit mois, l’enfant traverse une phase souvent marquée par des pleurs dès que sa figure d’attachement s’éloigne. Ce que l’on nomme angoisse de séparation n’est pas un simple caprice ni une peur irrationnelle. C’est l’un des premiers grands défis psychiques : accepter que l’autre puisse exister en dehors de soi, sans que cela signifie une perte définitive. Ce passage obligé participe à la construction de l’individualité, mais au prix d’une épreuve émotionnelle intense.
Découvrir l’absence : une épreuve fondatrice
Lorsque l’enfant réalise que sa mère ou son père peut disparaître de son champ de vision, il prend conscience qu’il n’est pas en fusion permanente avec l’autre. Paul, 9 mois, éclate en sanglots dès que sa mère quitte la pièce, même pour quelques secondes ; ce n’est pas l’absence réelle qui l’effraie, mais l’idée que ce départ pourrait être sans retour. L’enfant commence alors à expérimenter la notion de manque, essentielle à la structuration du psychisme.
La peur d’être abandonné face à un monde trop vaste
Cette angoisse révèle aussi la difficulté pour l’enfant à se sentir exister sans la présence rassurante de l’autre. Emma, 10 mois, refuse de jouer seule et réclame sans cesse le contact visuel avec son père ; en maintenant ce lien, elle tente de conjurer la peur de disparaître elle-même en l’absence du regard parental. L’angoisse de séparation met en lumière la fragilité de l’enfant face à l’immensité d’un monde qu’il ne maîtrise pas encore.
Le rôle des objets transitionnels pour apprivoiser l’absence
Pour surmonter cette épreuve, l’enfant s’appuie souvent sur des objets qui symbolisent la présence continue de l’autre. Léa, 11 mois, ne se sépare jamais de son doudou lorsque sa mère s’absente ; cet objet devient un pont entre la présence et l’absence, permettant à l’enfant de tolérer la distance sans s’effondrer. Le doudou incarne ainsi une première élaboration psychique de la séparation.
Accompagner sans nier l’angoisse
Face à cette phase, il est essentiel que l’adulte reconnaisse la réalité de l’angoisse sans chercher à la minimiser. Disparaître sans prévenir ou forcer l’enfant à « s’habituer » brutalement risquerait d’accentuer la peur. Au contraire, instaurer des rituels de séparation et verbaliser l’absence comme temporaire aide l’enfant à intégrer progressivement que l’autre peut partir sans cesser d’exister — et que lui-même peut continuer à être sans se sentir abandonné.