Chercher un guide sans le dire : quand le besoin de direction reste inavoué

Certaines personnes arrivent en thérapie avec une posture d’indépendance affichée, une volonté de « réfléchir », d’« explorer ». Pourtant, derrière ce discours, se dissimule parfois un besoin profond : que le psy indique la voie, propose, tranche, rassure. Ce besoin de guidance, souvent inconscient, n’est pas formulé clairement. Il affleure dans l’attente, dans la frustration, dans les silences lourds. C’est un désir discret mais structurant, qui demande à être reconnu sans être confondu avec une demande de solution rapide.
La peur de dépendre, le besoin d’être orienté
Demander de l’aide est parfois vécu comme une faiblesse, surtout lorsqu’il s’agit d’une demande d’orientation. Reconnaître qu’on cherche un guide, c’est risquer de se sentir vulnérable, exposé, voire infantile. Alors le besoin est déplacé : on attend sans formuler, on espère sans avouer, on s’agace que rien ne soit proposé. Cette ambivalence entre désir de direction et refus de dépendance révèle souvent un conflit ancien entre autonomie et abandon. Et c’est dans l’espace thérapeutique que cette tension peut enfin se dire.
Quand le psy devient écran d’attente
Face à ce besoin implicite, le psy peut être inconsciemment poussé à « faire à la place de », à orienter subtilement. Mais cela risquerait de répéter une dynamique infantile : celle du parent qui sait, du sujet qui attend. Or, la guidance thérapeutique n’est pas directionnelle : elle consiste à aider le patient à s’orienter lui-même, depuis un lieu plus habité. Refuser d’indiquer un chemin n’est pas un retrait, mais une manière de soutenir le mouvement interne de celui qui cherche, même confusément, à reprendre la main.
L’exemple de Baptiste, 31 ans
Baptiste affirme vouloir « comprendre par lui-même ». Il parle beaucoup, analyse vite, critique même certains outils thérapeutiques. Mais après quelques mois, il dit qu’il « ne sait plus où il va » et que « rien ne bouge ». En creusant, il formule une attente précise : il voudrait que le psy lui dise quoi faire, quoi penser, comment avancer. Ce désir, longtemps refoulé, prend racine dans une adolescence sans repère, où tout choix semblait dangereux. En nommant ce besoin de guide, Baptiste peut enfin l’interroger : de quoi aurait-il besoin aujourd’hui pour se sentir soutenu sans se sentir dominé ?
Vers une guidance symbolique
Reconnaître qu’on cherche un guide ne signifie pas s’en remettre à un autre. Cela peut marquer le début d’un lien plus souple à la question de l’autorité, du repère, de la direction. Dans le travail thérapeutique, le psy ne dicte pas : il soutient une émergence, une subjectivation du mouvement. C’est ainsi que la figure du guide se transforme : d’un maître extérieur à une présence contenante, qui accompagne sans imposer. Et c’est parfois ce cadre non directif qui permet de construire, peu à peu, sa propre boussole.