Le choix du prénom, entre fantasmes et désirs inconscients

Donner un prénom à son enfant paraît être un acte anodin, guidé par des goûts personnels ou des sonorités appréciées. Pourtant, derrière ce choix se dissimulent souvent des désirs inconscients, des projections et des héritages familiaux dont les parents n’ont pas toujours conscience. Le prénom n’est pas qu’une étiquette ; il porte une charge symbolique forte, inscrivant l’enfant dans une histoire, un imaginaire et parfois dans des attentes silencieuses.
Nommer, c’est projeter un désir
Choisir un prénom, c’est déjà attribuer une identité avant même que l’enfant n’ait pu se définir par lui-même. Derrière ce geste, se glisse un espoir, un fantasme ou une représentation idéalisée de ce que l’enfant incarnera. Par exemple, nommer son fils « Victor » en pensant inconsciemment à la réussite et à la force, c’est déjà projeter sur lui un destin de conquérant, même si cela n’est jamais formulé explicitement.
L’ombre des prénoms familiaux
Reprendre le prénom d’un aïeul ou d’un proche disparu n’est jamais neutre. Cela inscrit l’enfant dans une lignée symbolique, parfois lourde de non-dits ou de deuils inachevés. Une petite fille prénommée « Marie » comme sa grand-mère défunte, adorée mais marquée par une vie de sacrifices, pourrait sans le savoir porter le poids d’une fidélité inconsciente à cette histoire, avec l’idée de devoir « être à la hauteur » de ce modèle silencieux.
Les prénoms « originaux » : entre quête d’exception et peur de banalité
À l’inverse, certains parents cherchent des prénoms rares pour marquer la singularité de leur enfant. Ce désir d’originalité peut traduire une projection inconsciente d’exceptionnalité, où l’enfant est invité à porter le fantasme parental d’un destin hors norme. Choisir un prénom inventé ou extrêmement rare peut ainsi exprimer le besoin inconscient de différencier l’enfant du reste de la famille ou de la société, comme pour affirmer : « Tu ne seras pas comme les autres ».
Éviter les prénoms du passé : une fuite symbolique ?
Refuser catégoriquement certains prénoms, souvent liés à l’histoire familiale ou à des figures marquantes, révèle aussi un positionnement psychique. Ce rejet peut traduire une volonté inconsciente de rompre avec un héritage perçu comme pesant ou douloureux. Ainsi, écarter un prénom associé à un parent autoritaire ou à une relation conflictuelle peut être une manière de protéger l’enfant d’une répétition symbolique non désirée.
Le prénom comme premier miroir du désir parental
En définitive, le choix du prénom est le premier acte symbolique par lequel l’enfant reçoit l’empreinte du désir de ses parents. Nommer, c’est déjà raconter une histoire sur l’enfant avant qu’il ne puisse écrire la sienne. Prendre conscience de cette dimension permet d’aborder ce choix avec plus de lucidité, en évitant de faire porter à l’enfant des héritages ou des attentes invisibles.