Psychologie

Dans les discours politiques, on continue d’invoquer la volonté du peuple, l’intérêt général, la République une et indivisible. Pourtant, jamais les sociétés n’ont semblé aussi fragmentées, aussi traversées par des trajectoires individuelles détachées du collectif. Le citoyen contemporain ne se reconnaît plus toujours dans un destin commun. Il se pense souvent d’abord comme sujet, comme individu porteur de droits, de désirs, d’angoisses personnelles. Dès lors, faut-il renoncer à l’idée de volonté collective ? Ou repenser en profondeur ce qu’elle signifie dans un monde atomisé ?

L’individu d’abord : une conquête devenue impasse ?

L’émancipation moderne a construit le sujet comme centre de sa propre existence. C’est une victoire historique que d’avoir affranchi l’individu des appartenances imposées. Mais cette libération s’est accompagnée d’un affaiblissement du sentiment d’appartenance à un tout. L’individualisme contemporain n’est pas seulement une attitude : c’est un cadre mental dans lequel chacun·e est invité à s’auto-déterminer, à se responsabiliser, à se protéger. Le citoyen devient consommateur de services publics, gestionnaire de ses droits, stratège de ses intérêts. Et ce recentrement sur soi érode peu à peu le socle d’un vouloir commun.

La volonté générale introuvable

La notion de volonté collective présuppose l’existence d’un horizon partagé, d’un récit commun, d’un espace de débat structuré. Or tout cela semble en crise. Le pluralisme devient polarisation, le débat devient clash, le commun devient soupçon. Dès lors, qui peut parler « au nom du peuple » ? À quel moment une décision collective est-elle autre chose qu’un compromis instable entre des intérêts divergents ? Plus personne ne se reconnaît dans les synthèses molles, mais personne ne semble prêt non plus à céder une part de son autonomie pour un bien supérieur. C’est l’impasse démocratique d’une société de monades connectées mais désaccordées.

Des solidarités alternatives mais précaires

Face à cette atomisation, des formes de micro-collectifs émergent : associations locales, luttes sectorielles, solidarités affinitaires. Elles redessinent une citoyenneté d’action, mais souvent à l’échelle restreinte, temporaire, sans prolongement institutionnel. Le commun devient circonstanciel : on se rassemble pour défendre un lieu, une cause, une dignité blessée. C’est une vitalité précieuse, mais fragile. Car ces engagements partiels peinent à recomposer une volonté politique stable, capable de tenir ensemble le dissensus et la projection. On agit, mais sans se reconnaître dans une histoire commune.

Repenser le collectif sans l’imposer

Faut-il renoncer à l’idée de volonté collective ? Non. Mais il faut la reconstruire autrement, à partir d’une pluralité assumée, et non d’une unité supposée. Ce n’est plus l’unanimité qu’il faut chercher, mais des formes d’accords dynamiques, évolutifs, conscients de leurs tensions. Cela implique de créer des espaces de parole véritables, de ralentir les décisions, de valoriser le conflit comme moteur démocratique. Le citoyen individualiste n’est pas un ennemi du collectif : il en est le point de départ possible, à condition qu’on cesse de lui demander de disparaître dans une fiction de l’unité.

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