Psychologie

S’engager dans un collectif, c’est souvent une manière de se relier, de partager des valeurs, de sentir que l’on agit. Mais il arrive que cette appartenance prenne une place démesurée, comme si elle venait combler un manque plus vaste que le besoin de lien social. Le groupe devient alors non pas un espace d’action, mais une protection contre soi-même. Une barrière contre le vide intérieur, le silence, le retrait. Et parfois, une forme de fusion affective qui empêche toute individuation.

Une présence groupale contre l’effondrement

Certaines personnes ne peuvent concevoir leur vie sans appartenance collective forte : association, communauté militante, cercle d’engagement. Ce besoin constant de groupe masque souvent une difficulté à être seul sans se sentir désorganisé. Le collectif devient alors un contenant psychique, un espace qui donne forme à l’existence, évitant le contact avec une part plus creuse, plus incertaine de soi. C’est dans la dynamique du “nous” que le “je” trouve sa structure. Mais ce mécanisme, protecteur à court terme, empêche de construire un rapport intérieur plus stable. L’engagement devient une béquille identitaire, et toute mise à distance du groupe déclenche une angoisse de chute, voire une perte de sens.

La fusion comme défense contre l’autonomie

Dans certains cas, la relation au groupe dépasse l’identification : elle devient une immersion complète, une dissolution du sujet dans le collectif. Ce phénomène fusionnel peut séduire par la chaleur qu’il procure, l’intensité du lien, l’effacement temporaire du doute personnel. Mais il peut aussi traduire un refus inconscient de se différencier, de se confronter à l’ennui, au manque, à la solitude constructive. Le groupe est alors vécu comme une extension du moi, un miroir rassurant qui préserve d’une altérité intérieure trop menaçante. Toute remise en question du collectif devient insupportable, car elle vient réactiver une angoisse plus archaïque : celle d’un désinvestissement psychique massif, d’une chute dans un vide que l’on croyait maîtrisé.

Exemple : Myriam, toujours dans le “nous”

Norah, 30 ans, s’est engagée dans plusieurs associations depuis ses études. Elle aime l’intensité des projets, l’énergie du groupe, la sensation de faire partie d’un tout. Mais elle dit qu’elle ne supporte pas les moments de creux, les vacances, ou les phases où l’activité ralentit. En séance, elle décrit une enfance marquée par une grande solitude affective, une mère distante et un père absent. Très jeune, elle a développé une stratégie d’hyper-présence dans les groupes, pour ne pas ressentir ce vide. Elle réalise que son besoin de collectif est aussi une manière d’éviter l’expérience de l’isolement intérieur, qui l’angoisse profondément. Elle commence à apprivoiser, lentement, des moments de solitude qui ne soient plus menaçants, mais structurants.

Vers un collectif habité, non absorbant

Le lien au collectif peut être vivifiant, à condition qu’il n’efface pas la subjectivité. S’y investir ne doit pas devenir un mode d’évitement, mais une modalité d’expression. Ce qui compte, c’est de pouvoir se sentir exister sans le groupe, d’en faire un choix et non une nécessité psychique. Apprendre à rester en lien avec soi tout en étant avec les autres est une forme d’individuation qui demande du temps, mais qui permet enfin de se sentir réellement présent — au collectif, mais aussi à soi-même.

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