Psychologie

Certaines personnes s’appliquent à bien faire leur thérapie comme on suivrait une consigne scolaire. Elles arrivent à l’heure, parlent « comme il faut », évitent les débordements. Elles veulent être efficaces, pertinentes, avancent régulièrement, et semblent parfois s’excuser d’aller mal. Derrière cette apparente rigueur se cache souvent un besoin inconscient : celui d’être le patient idéal pour garantir une forme de lien sécurisant. Mais cette quête d’irréprochabilité a un prix : elle empêche l’émergence de ce qui déborde, dérange ou résiste – pourtant essentiel au travail psychique.

Une fidélité absolue, un lien figé

Le patient modèle ne conteste pas, ne critique pas. Il écoute avec application, mais sans conflit. Il cherche à « bien faire », parfois jusqu’à l’épuisement. Cette posture renvoie souvent à une logique infantile : celle d’un enfant qui sent que l’amour se mérite par la conformité. Ne pas être en colère, ne pas décevoir, ne pas créer de tension : autant de règles silencieuses qui permettent de maintenir la relation à l’autre – ici, au psy – dans un cadre rassurant. Mais ce cadre devient aussi étroit qu’une armure, et finit par empêcher l’expression libre du sujet.

Fusion défensive ou crainte de séparation

Derrière ce comportement se cache souvent une angoisse massive de rejet. Être un bon patient, c’est empêcher l’autre de s’éloigner. C’est aussi éviter de s’individuer dans la relation thérapeutique. À force de vouloir plaire ou satisfaire l’autre, le sujet s’efface, se confond avec l’attendu, et empêche l’élaboration d’un « je » distinct. Le travail thérapeutique se fait alors à partir d’un faux-self – un soi adapté, mais non habité. Il faut souvent du temps, de la sécurité et du lien pour oser décevoir un peu… et découvrir que le lien tient quand même.

L’exemple d’Hugo, 30 ans

Hugo commence sa thérapie avec détermination. Il lit beaucoup, prend des notes, revient sur les interprétations proposées. Il parle avec clarté, presque trop. Très vite, il dit : « Je veux faire ça sérieusement, être un bon patient. » À mesure que le travail avance, quelque chose se crispe. Hugo n’exprime jamais d’hostilité, mais semble se vider de sa substance. Il évite les silences, ne formule pas de doutes. Lorsqu’il évoque son enfance, il parle d’un père exigeant et d’une peur constante de « mal faire ». Le cadre thérapeutique devient alors un espace de réparation inconsciente. En nommant sa peur d’être rejeté s’il lâche le contrôle, Hugo commence à introduire du conflit, de l’incertitude – et c’est là que la thérapie devient vivante.

Oser ne pas convenir

Être un bon patient, c’est souvent chercher à préserver le lien thérapeutique. Mais ce lien ne se nourrit pas de perfection. Il gagne en densité quand il traverse la frustration, la rupture temporaire, le désaccord. C’est en osant déplaire, en laissant surgir ce qui résiste ou dérange, que l’on commence à habiter vraiment l’espace de la thérapie. Le psy ne cherche pas à être admiré ni à entendre ce qu’il attend. Il écoute ce qui advient – même si c’est confus, ambivalent, ou critique. C’est dans cette liberté que le sujet cesse d’être un élève appliqué, pour devenir un être en transformation.

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