Psychologie

Dans le champ de la santé mentale, le diagnostic psychique est censé ouvrir vers une meilleure compréhension de la souffrance et orienter les soins. Pourtant, il suscite souvent de l’ambivalence, voire une méfiance. Certains y voient une reconnaissance salutaire de leur état intérieur, quand d’autres redoutent une mise en case, un étiquetage définitif. Le même mot peut être reçu comme une délivrance ou comme une assignation. Cette ambivalence touche aussi les soignants, partagés entre rigueur clinique et écoute subjective. Alors, que vient-on vraiment chercher quand on cherche à « évaluer » un mal psychique ?

Un outil de soin ou un filtre de sélection

Le diagnostic permet, dans l’idéal, de mettre en lumière des mécanismes, des conflits internes, et de proposer une stratégie de soin adaptée. Mais il peut aussi servir, inconsciemment, à trier les patients selon leur « conformité » aux catégories établies. Dans certains services, une plainte jugée « floue » ou « atypique » peut retarder la prise en charge, voire la disqualifier. Cette tendance à chercher des profils « clairs » traduit moins une logique médicale qu’une défense contre le flou et l’incertitude. C’est parfois la structure institutionnelle elle-même qui pousse à privilégier les tableaux nets aux détresses plus diffuses.

Entre reconnaissance et réduction

Beaucoup de patients témoignent d’un soulagement à entendre poser des mots sur ce qu’ils vivent. Être diagnostiqué peut être vécu comme une validation, un « enfin on me prend au sérieux ». Mais cela peut aussi provoquer une crispation, comme si l’on était désormais réduit à ce mot-là, à cette catégorie. Le langage du diagnostic, pourtant essentiel, est parfois reçu comme un appauvrissement de la complexité psychique. Ce qui s’éprouve de façon unique est ramené à un savoir commun, avec le risque de faire taire des aspects moins visibles mais tout aussi importants.

L’enjeu inconscient du classement

Derrière la peur du diagnostic se cache souvent une angoisse plus ancienne : celle d’être figé, assigné, figé dans un regard. Être évalué réactive parfois des vécus anciens de classement, de jugement, d’exclusion. Pour certaines personnes, l’évaluation psychique réveille une mémoire scolaire ou familiale marquée par la peur de mal faire, d’être mal vu, ou de ne pas correspondre. Le processus de diagnostic vient alors toucher à des zones sensibles, où ce qui est en jeu n’est pas la pathologie elle-même, mais l’histoire du regard porté sur soi.

Exemple : Thomas, 43 ans

Thomas consulte pour une grande fatigue morale. Le psychiatre évoque une possible dépression masquée. Mais Thomas se crispe à cette idée, comme si on le vidait de sa singularité. « C’est trop rapide, je ne suis pas qu’une case », dit-il. Ce refus initial n’exprime pas une résistance au soin, mais une peur que son expérience intérieure soit avalée par une grille extérieure. En prenant le temps de l’écouter, le thérapeute découvre que Thomas a grandi dans un milieu très normatif, où il fallait « rentrer dans les cases » pour être aimé. Le diagnostic n’est pas faux, mais sa formulation trop rapide a réveillé une blessure.

Vers une autre manière d’évaluer

L’évaluation psychique pourrait s’envisager autrement : comme une rencontre progressive entre une subjectivité en souffrance et un cadre de pensée souple. Il ne s’agit pas de renoncer aux outils cliniques, mais de les manier avec tact et discernement. Dans ce cadre, évaluer ne veut pas dire réduire, mais approcher, cerner, laisser émerger. Le diagnostic devient alors un point d’appui temporaire, et non une étiquette définitive. C’est dans cette tension que se joue peut-être la qualité du lien thérapeutique : savoir évaluer sans enfermer, savoir nommer sans réduire.

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