Psychologie

Certaines personnes rient, parlent, trinquent, et semblent parfaitement à l’aise lors de moments partagés. Mais au fond, quelque chose sonne faux, comme si l’implication était jouée, le plaisir forcé, la présence désaccordée. Ce fonctionnement relève d’un phénomène bien connu en psychologie : le faux self. Un mécanisme de défense subtil, qui vise à s’adapter à l’extérieur, même au prix d’une déconnexion de soi.

Être là pour maintenir une image

Dans de nombreuses configurations sociales, l’individu se sent obligé d’incarner un rôle : celui de la personne avenante, détendue, drôle ou réactive. Mais plus ce rôle s’installe, plus il risque de se couper de ce que la personne ressent réellement. Ce clivage peut sembler banal, mais il crée une fatigue intérieure profonde. Il ne s’agit pas d’un simple « effort social » mais d’un ajustement structurel : la soirée devient une scène où il faut paraître à la hauteur, ne pas décevoir, se conformer à une image de soi rassurante pour les autres. Et pendant ce temps, l’intériorité reste en veille. Cela crée une sensation de dédoublement, une impression d’inauthenticité qui laisse souvent un goût amer.

Le besoin d’être aimé plus fort que le besoin d’être vrai

Ce faux self ne vise pas à tromper, mais à préserver un lien qui semble conditionnel. Il est souvent le fruit d’un passé où être soi ne suffisait pas à être aimé, où il fallait s’adapter pour rester dans le champ affectif. Alors on sourit, on s’anime, on raconte, même quand le cœur n’y est pas. Cette posture est coûteuse, mais elle semble plus sûre que le risque de montrer sa fatigue, son désaccord, son silence. L’angoisse d’inadéquation sous-jacente pousse à devancer les attentes, à incarner ce que l’on croit désirable. Ce n’est pas un mensonge, c’est un renoncement discret à soi. Et plus il se répète, plus il devient difficile de retrouver un contact avec son état réel.

Exemple : Élodie, toujours au bon endroit, sauf en elle

Élodie, 32 ans, est toujours présente, toujours souriante. On la dit facile à vivre, pleine d’énergie. Mais en séance, elle parle d’un sentiment d’usure, d’un vide après chaque rencontre, comme si elle avait tenu un rôle toute la soirée. Elle explique qu’elle n’ose pas dire qu’elle est fatiguée, qu’elle n’a pas envie, qu’elle ne trouve pas la soirée stimulante. Elle a grandi dans une famille où il fallait « faire bonne figure », et où l’expression des états d’âme était mal vue. Elle comprend que sa facilité apparente est une armure. Elle commence à repérer les moments où elle se trahit pour rester aimée. Et à envisager que sa place ne se joue peut-être pas dans cette performance constante, mais dans une présence plus incarnée.

Habiter le lien sans jouer un rôle

Retrouver une présence plus juste ne signifie pas se mettre à nu en permanence. Mais pouvoir s’autoriser à être un peu moins lisse, un peu plus réel, même dans des contextes collectifs. C’est oser parfois ne pas « être dedans », oser dire que l’on n’est pas d’humeur, oser le silence ou le retrait. Cela suppose de croire que l’amour et l’amitié peuvent résister à l’imperfection, qu’on n’a pas besoin d’être toujours agréable pour rester aimé. Et dans cette autorisation à être moins performant, quelque chose se répare : le sentiment d’exister, non pas pour ce que l’on donne à voir, mais pour ce que l’on est vraiment.

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