Psychologie

La vie semble parfois tourner en boucle, comme si certaines douleurs se rejouaient sans fin malgré les efforts pour s’en éloigner. Ruptures qui se ressemblent, conflits récurrents, échecs à répétition : tout se passe comme si une force obscure nous ramenait sans cesse à un même scénario. Cette impression d’immobilité n’est pas due à un hasard malheureux, mais à un mécanisme inconscient nommé compulsion de répétition. Sigmund Freud fut l’un des premiers à décrire cette tendance à revivre, sous d’autres formes, un traumatisme ancien non symbolisé. Le psychisme, prisonnier d’un souvenir non élaboré, tente désespérément de le maîtriser… en le rejouant. Ce qui se répète, c’est souvent ce qui n’a jamais été vraiment vécu psychiquement.

L’illusion du choix face à l’inconscient

On croit faire des choix neufs, prendre des directions différentes, et pourtant les mêmes impasses se rejouent. Cela peut s’observer dans les relations sentimentales, les trajectoires professionnelles ou même dans des habitudes de pensée. L’inconscient, dans sa logique propre, n’a pas accès au temps linéaire, il reste bloqué là où la douleur a été trop intense pour être intégrée. Ainsi, une personne quittée trop brutalement dans l’enfance pourra inconsciemment recréer cette perte dans ses liens futurs, en choisissant des partenaires distants ou instables. Non pas par masochisme, mais parce que la scène originelle cherche à se rejouer pour, peut-être, être enfin comprise.

Exemple clinique : une boucle affective douloureuse

Julie, 38 ans, consulte pour des relations amoureuses toujours marquées par un abandon. Chaque fois, elle tombe amoureuse d’hommes brillants mais peu disponibles, qui finissent par s’éloigner. En thérapie, elle découvre que son père, artiste charismatique mais absent, était sa première figure d’amour. L’attente, la frustration et l’idéalisme qu’elle projette sur ses partenaires rejouent, à son insu, cette blessure première. Ce n’est qu’en identifiant cette fidélité inconsciente à une douleur ancienne qu’elle pourra, lentement, dévier de cette trajectoire répétitive.

Un processus défensif paradoxal

Répéter, c’est parfois une tentative de réparer. Mais c’est aussi une manière de se défendre contre l’angoisse que provoquerait une vraie nouveauté. Sortir de la répétition implique de renoncer à ce que l’on croyait maîtriser. Il s’agit alors de renoncer à “gagner enfin” la scène passée, à être enfin reconnu, aimé, soutenu dans les conditions d’autrefois. Cette renonciation n’est ni résignation ni oubli, mais une ouverture : elle permet de faire place à l’inattendu, au vivant, à des liens non contaminés par le passé.

La sortie du cercle : mise en sens et symbolisation

Ce qui interrompt la compulsion de répétition, ce n’est pas la volonté, mais la symbolisation. Mettre en mots ce qui se répète, dans un espace thérapeutique, permet de déplacer la douleur du corps vers la pensée. La répétition n’est alors plus une fatalité, mais un message. Un message qui, une fois entendu, peut cesser de se rejouer. Le rôle du psy n’est pas d’empêcher la répétition, mais d’en écouter le sens, d’en révéler la logique affective, pour que le sujet puisse se situer autrement dans son histoire.

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