Psychologie

Certaines peurs nous envahissent sans origine claire. Ni déclencheur, ni menace identifiable : juste une tension constante, une nervosité sourde qui ne cesse de revenir. Ce que l’on nomme « angoisse flottante » désigne précisément cette forme d’inquiétude diffuse, persistante, sans objet défini. Elle ne peut être contenue dans un récit cohérent, ce qui la rend d’autant plus insaisissable et envahissante. C’est souvent dans les moments de calme, d’inactivité ou de relâchement que cette sensation émerge, comme si elle profitait de chaque faille dans le quotidien pour faire irruption.

Un débordement psychique sans représentation

L’angoisse flottante n’est pas déclenchée par une situation, mais surgit de l’intérieur. Elle manifeste un conflit psychique non élaboré, trop archaïque ou trop douloureux pour accéder à la conscience. Privée de mots, d’image, de scène intérieure, elle se manifeste à l’état brut. Le sujet est tendu, irritable, en alerte permanente, mais ne sait pas pourquoi. Et c’est précisément cette absence de sens qui rend l’expérience si éprouvante. On ne peut ni agir sur elle, ni l’apaiser par la logique. Elle ne peut se comprendre qu’en s’approchant lentement de ce qu’elle enveloppe.

Exemple : Laurence, 45 ans, en veille permanente

Laurence consulte pour une sensation d’oppression constante. Pas de crise franche, pas de pensées catastrophiques, mais une tension continue. Elle dort mal, sursaute souvent, ne parvient pas à rester en silence sans se sentir envahie. En séance, un souvenir émerge : l’annonce soudaine de la mort de son père, alors qu’elle avait 10 ans, dans un moment de calme domestique. Depuis, inconsciemment, elle associe l’apaisement à un danger latent. L’angoisse flottante n’était pas sans origine : elle portait le souvenir encapsulé d’un effondrement ancien que son esprit avait figé pour survivre.

Un symptôme souvent mal interprété

Parce qu’elle n’est pas spectaculaire, cette angoisse est souvent banalisée, voire pathologisée à tort. On lui prête des causes immédiates (fatigue, pression, hormones), mais on passe souvent à côté de ce qu’elle traduit en profondeur : un excès d’excitation interne sans destination. Elle peut être confondue avec de l’hypersensibilité ou une tendance au contrôle, alors qu’elle signale en réalité une faille ancienne, une défaillance symbolique que le psychisme tente de contenir sans y parvenir. Ce n’est qu’en approchant cette faille que l’apaisement devient pensable.

Redonner une forme à l’informe

La psychanalyse propose une voie lente, mais féconde : faire émerger ce qui, dans l’angoisse, cherche à être représenté. En explorant ses liens, ses contextes, ses coïncidences, le sujet peut peu à peu donner un visage à ce qui n’en avait pas. Laurence, en repérant les moments déclencheurs, commence à tisser un récit. Ce récit ne fait pas disparaître l’angoisse immédiatement, mais il lui donne un lieu. Et ce lieu — une pensée, une scène, une mémoire — suffit parfois à transformer un envahissement diffus en émotion contenable.

Trouver un psy